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Michel Delobel

Michel Delobel

Gestionnaire de portefeuille sous mandat via une société de gestion agréée, trader pour compte propre et formateur au trading et à l'investissement en bourse, je suis aussi fondateur du site Fenêtre sur Cours et de la société ACGest, via laquelle j'accompagne également mes clients dans la constitution et le développement de leur patrimoine, la préparation de leur retraite ou encore l'optimisation de leur fiscalité.

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Krach chinois : des relents de communisme ?

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ShanghaiCompIndex
Si la Grèce accapare les médias et l’attention des investisseurs après la très nette victoire du « non » ce dimanche, il est un sujet qui mérite qu’on s’y attarde un peu : je veux parler du krach en cours sur le marché chinois.


Peut-être n’en n’avez-vous d’ailleurs pas entendu (encore) parler, mais si on pouvait encore avoir quelques doutes il y a une semaine sur le qualificatif à employer (krach ou simple correction), l’information qui est tombée ce lundi (et pourtant passée presque inaperçu) lève le voile : le principal fonds en actions a donné ordre de ne plus vendre une seule action, alors que les plus importants brookers et les 25 plus grandes sociétés de gestion vont acheter pour 17.4 MDE de grandes valeurs chinoises et les dirigeants de FCP vont souscrire à leurs propres fonds, afin d'enrayer l'effondrement des bourses chinoises. Chassez le naturel, il revient au galop…


Les autorités en mode panique

Alors que Shanghai a perdu 30% de sa valeur depuis la mi-juin, passant de près de 5200 pts à moins de 3700 pts ce vendredi en clôture (après une hausse de 2000 pts à près de 5200 entre fin 2014 et mi-juin 2015 – cf. graphique ci-dessous), les autorités sont passées en mode panique et essayent coûte que coûte de mettre un terme au plongeon des marchés.

Le problème, c’est qu’en procédant de la sorte, en essayant de « raisonner » le marché, elles ne font qu’attiser les craintes et renforcer la fébrilité des intervenants. Après avoir déjà baissé les taux il y a dix jours et diminué les réserves obligatoires des banques (!), incité (ou obligé ?) les fonds de pensions à acheter des titres, et fait circuler des rumeurs d’achat d’actions par l’état lui-même, voilà que Pékin interdit la vente d’actions, que les plus grandes sociétés de gestion vont devoir acheter pour plus de 17 milliards d’euros d’actions (soit quand même 15% de leurs actifs nets), et que les dirigeants de fonds d’investissement vont devoir investir dans leur propre fond (ce qui veux dire que naturellement, ils ne le feraient pas spontanément, considérant les niveaux actuels comme attractifs…).

C’est un peu comme si on demandait aux professionnels de l’immobilier d’acheter de l’immobilier pour éviter un effondrement des prix !


Un marché gonflé à l’effet de levier

Le problème, c’est que le marché s’est envolé ces derniers mois sur du vent, ou plus exactement sur un endettement facilité et l’arrivée en masse d’investisseurs particuliers imprudents, inexpérimentés et attirés par des espoirs de gains faciles. La bourse Chinoise (Shanghai et Shenzen, sans donc même compter Hong-Kong) a ainsi atteint en juin le seuil psychologique de 10.000 milliards de dollars de capitalisation, dépassant très largement Euronext  (3.500 milliards de dollars) ou encore la bourse japonaise, pour se placer au second rang derrière Wall Street (28.000 milliards de dollars).

Et comme rien fondamentalement ne pouvait justifier une telle envolée, la bulle a fini par éclater.


Quelles conséquences ?

Comme il est presque impossible de prédire et expliquer quand et pourquoi une bulle éclate à un moment plutôt qu’à un autre, il est très difficile de savoir jusqu’à quel niveau elle peut se dégonfler, et quelles peuvent être les conséquences réelles.

Toujours est-il qu’en procédant de la sorte, les autorités chinoises risquent bien d’aggraver le problème. D’ailleurs, si Shanghai est un peu remontée ce lundi, la bourse de Honk-Kong, non touchée par ces mesures, a poursuivi sa chute…

En empêchant les ventes, et pire, en obligeant les intervenants de marché à acheter, les autorités risquent en effet de précipiter ces derniers au fond du trou en même temps que les particuliers imprudents, pour au final un effet bien plus dévastateur.

Que ces derniers perdent leur chemise est une chose (même si cela peut être parfois dramatique, notamment qui se sont fortement endettés – j’en conviens), que des professionnels de marché risquent de devoir subir des conséquences similaires et mettre en danger tout le secteur financier (avec les conséquences que l’on imagine, cette fois même pour ceux qui n’auront pas participé de près à cette bulle) car ils ont été poussés à acheter en est une autre, bien pire à mes yeux. Même si on peut imaginer que les autorités feront tout pour protéger et sauvegarder la pérennité financière de ses brokers, sociétés de gestion et fonds d’investissement, la question qui se pose est de savoir est si un gouvernement ou une banque centrale, quelle qu’elle soit, a les moyens d’arrêter un krach.

 
Peut-on enrayer un krach ?

Dans le cas d’un krach lié à un évènement exogène, comme les attentats du 11 septembre ou la faillite de Lehman Brothers, conduisant les marchés à plonger à des niveaux de valorisation en dehors de toute réalité, les autorités peuvent je pense faire quelque chose, sachant que le temps joue en leur faveur. Et même une interdiction de vendre, une obligation d’acheter ou une injection de liquidités ne seraient pas un réel problème. En effet, une fois le traumatisme passé, les intervenants, se rendant compte que les niveaux de valorisation sont tombés plus bas qu’ils n’auraient dû, permettront d’eux-mêmes au marché de retrouver ses esprits et retrouver un niveau plus conforme à la réalité, et ceux qui auront été forcés à acheter seront libres de revendre en encaissant a priori un bénéfice.

Dans le cas d’une bulle liée à une survalorisation manifeste, comme cela a été le cas avec la bulle internet ou la bulle chinoise actuelle, la problématique est très différente. Car quoi que puissent faire les autorités, elles ne pourront justifier le maintien du marché à un niveau de valorisation au-delà du raisonnable et au-delà de toute réalité économique. Le seul moyen qu’elles auraient, c’est de permettre aux entreprises d’accélérer leur croissance pour justifier, a posteriori, leurs niveaux de valorisation durant la bulle. Mais l’éclatement d’une bulle ayant en général des répercussions sur l’économie, c’est a priori mission impossible. Il suffit d’ailleurs de voir combien de temps il a fallu au Nasdaq pour retrouver ses sommets de l’an 2000  (15 ans, pour ceux qui ne suivent pas J, et encore, cela aurait pu être bien plus long).

Au-delà des risques liés au dossier grec, il faudra donc être particulièrement vigilant dans les prochaines semaines et prochains mois à l’évolution du krach chinois. Car si pour l’instant nous ne semblons pas en subir les conséquences, cela pourrait rapidement changer.
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