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Guy Wagner

Guy Wagner

Je suis chief economist à la Banque de Luxembourg.

Dans mon blog, je commente les derniers développements sur les marchés financiers ainsi que mes évaluations sur leur future évolution.
Ces pages s’adressent aux investisseurs dans des fonds et actions avec un certain intérêt pour les marchés boursiers.


Mon parcours

Licencié en Sciences Economiques de l'Université Libre de Bruxelles, je rejoins la Banque de Luxembourg en 1986, où je fus successivement responsable des départements analyse financière et Asset Management. Depuis 2005, je suis administrateur-directeur de BLI - Banque de Luxembourg Investments.

Vision Long Terme - Etat des lieux des marchés boursiers

Audience de l'article : 3458 lectures

L’histoire boursière montre qu’il existe essentiellement 2 types de marchés :

- des marchés structurellement haussiers

- des marchés structurellement plats (plats par manque d’une meilleure traduction de l’expression ‘sideways’, utilisée par les anglo-saxons).

J’utilise ici le terme ‘structurellement’ pour montrer que je parle de périodes longues, couvrant quelque 10 à 20 années : marché structurellement plat de 1966 à 1982, structurellement haussier de 1982 à 2000, structurellement plat de 2000 - ?, etc.

Le graphique ci-après illustre ceci pour le marché américain.


Cliquez ici pour agrandir le graphique


Source : Stifel Nicolaus

A l’intérieur de marchés structurellement haussiers, il peut y avoir des corrections plus ou moins importantes (comme par exemple le krach boursier de 1987). Pour un investisseur à long terme, ces corrections ne sont cependant pas tellement importantes puisque la tendance haussière est clairement établie.

A l’intérieur de marchés structurellement plats, il y a des mouvements cycliques à la hausse et à la baisse (cycliques dans le sens que ces mouvements ont une durée plus courte, allant de quelques mois à quelques années). Le graphique ci-après reprend ce genre de mouvements pour la période 1998 à 2011. Cette période a été marquée par un marché structurellement plat. Un investisseur ayant détenu de manière passive l’indice sur cette période n’aurait pour ainsi dire pas gagné d’argent.

13 années marquées par une grande volatilité
Cliquez ici pour agrandir le graphique


Source : Bloomberg, Gluskin Sheff

 

La conclusion à tirer de l’existence de ces 2 types de marchés n’est pas qu’il faut éviter les actions dans des marchés structurellement plats mais qu’il faut adopter une stratégie d’investissement nettement plus active. Active en ce qui concerne les périodes pendant lesquelles on veut être ‘dans le marché’, active au niveau des régions/secteurs à privilégier et active au niveau de la sélection des entreprises dans lesquelles on aimerait être investi.

Quel rapport entre ce qui précède et la situation actuelle ?

Depuis mars 2009, les cours boursiers se sont fortement appréciés. Il en résulte que les marchés se trouvent aujourd’hui à une sorte de croisée des chemins. En tant qu’investisseurs, nous sommes amenés à choisir un camp :

- celui de ceux qui pensent que mars 2009 a marqué le début d’un nouveau marché structurellement haussier ;

- celui de ceux qui pensent que la période depuis mars 2009 n’était qu’un mouvement haussier cyclique à l’intérieur d’un marché structurellement plat.

Dans le premier cas, la meilleure stratégie consiste à mon avis de rester investi et de ne pas trop se préoccuper d’éventuelles petites corrections intermédiaires, sachant qu’on n’arrivera jamais à sortir du marché et à y revenir aux meilleurs moments.

Dans le deuxième cas, il faudrait envisager de sortir progressivement du marché ou du moins revoir de façon minutieuse les actions détenues.

Il y a deux ans, la situation était différente

Un investisseur ne devait pas nécessairement avoir une idée claire du genre de marché structurel dans lequel il évoluait. Les cours boursiers venaient de perdre 50% et se trouvaient dans le bas de la fourchette établie depuis 2000. En d’autres mots, savoir si les marchés se trouvaient à la veille d’une remontée cyclique ou structurelle n’était pas très important et même ceux qui étaient convaincus que les actions se trouvaient dans un marché structurellement plat pouvaient acheter pour profiter d’une remontée cyclique. Tel n’est plus le cas aujourd’hui où les marchés se trouvent dans le haut de la fourchette établie sur les 12 dernières années.

Actions dans le haut de la fourchette établie depuis 2000


Source : Bloomberg


J’ai à plusieurs reprises fait état de notre conviction que nous sommes toujours dans un marché structurellement plat et qu’il faudra encore des années avant que les niveaux de 2000 (presque ré-atteints en 2007), ne soient durablement dépassés. Les marchés structurellement haussiers commencent lorsque les valorisations des actions sont faibles et se terminent lorsque ces valorisations sont élevées. Par la suite, les cours stagnent pendant que les bénéfices continuent à monter et ce qui fut cher en 1966 (par exemple) est devenu bon marché en 1982 et le prochain marché haussier peut commencer. Les valorisations à la fin du dernier marché haussier en 2000 étaient extrêmement élevées ce qui explique pourquoi même après 11 années de stagnation des cours et d’augmentation des bénéfices, les actions ne sont toujours pas bon marché.  

Les avis divergent
 

Je suis conscient que sur ce dernier point, les avis divergent. De nombreux observateurs considèrent que les actions sont aujourd’hui faiblement valorisées. Il est effectivement possible d’arriver à cette conclusion :

- si on valorise les actions sur base de modèles utilisant le niveau actuellement très bas des taux d’intérêt ;

- si on suppose que les marges bénéficiaires des entreprises, qui se trouvent aujourd’hui à des niveaux historiquement élevés, vont rester à ces niveaux, voire vont augmenter davantage. Ceci revient à parier contre l’histoire, celle-ci montrant que les marges bénéficiaires ont toujours tendance à revenir vers leur moyenne historique (ce qui semble d’ailleurs logique dans une économie de marché où des marges trop élevées attirent la concurrence, la concurrence accrue faisant par la suite baisser les marges).

Une façon de contourner le problème des marges bénéficiaires actuellement très élevées consiste à valoriser les entreprises sur base de leur chiffre d’affaires ou de leur fonds propres, une autre à prendre une moyenne des bénéfices sur plusieurs années. Le graphique ci-après utilise ainsi le Shiller P/E. Ce ratio, développé par Robert Shiller, professeur à l’université de Yale, divise les cours de bourse par les bénéfices moyens des 10 dernières années, pour éviter de prendre une année particulièrement bonne ou mauvaise. Sur base de ce ratio, le marché américain est aujourd’hui surévalué de quelque 30%. La surévaluation des actions européennes est a priori moins importante. Ceci s’explique toutefois en partie par la composition des indices européens et notamment le poids élevé des valeurs financières qui semblent bon marché mais ne le sont pas nécessairement ainsi qu’en témoigne l’exemple récent de l’augmentation de capital de Commerzbank.

Shiller P/E pour le marché américain


Source : Morgan Stanley

 

Valoriser les actions à l’aide de taux d’intérêt artificiellement bas me semble également pour le moins risqué. Chez Banque de Luxembourg Investments (BLI), nous utilisons en règle générale un taux d’actualisation de 9% dans nos modèles de valorisation. Abaisser ce taux à, par exemple, 6% augmenterait de manière significative la valeur intrinsèque des entreprises que nous analysons et nous amènerait à trouver de nombreuses opportunités d’achat. Ce faisant, nous abandonnerions cependant une grande partie de la marge de sécurité que nous recherchons dans nos investissements.

En fin de compte, les modèles de valorisation basés sur les taux d’intérêt donnent une idée de l’attrait relatif des actions par rapport aux obligations mais ne disent rien sur l’attrait absolu des actions. Il se peut tout-à-fait que sur les 10 années à venir, le rendement des actions soit supérieur à celui des obligations. Ceci n’implique néanmoins pas qu’il sera très élevé. L’histoire boursière montre qu’un investissement dans le marché américain au niveau de valorisation actuel a en moyenne généré un rendement annuel de 3% dans les dix années qui suivirent.

 

Guy Wagner

Source : http://www.guywagnerblog.com/fre/entry/dow-jones

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