Vous n'êtes pas membre (devenir membre) ou pas connecté (se connecter)
Guy Wagner

Guy Wagner

Je suis chief economist à la Banque de Luxembourg.

Dans mon blog, je commente les derniers développements sur les marchés financiers ainsi que mes évaluations sur leur future évolution.
Ces pages s’adressent aux investisseurs dans des fonds et actions avec un certain intérêt pour les marchés boursiers.


Mon parcours

Licencié en Sciences Economiques de l'Université Libre de Bruxelles, je rejoins la Banque de Luxembourg en 1986, où je fus successivement responsable des départements analyse financière et Asset Management. Depuis 2005, je suis administrateur-directeur de BLI - Banque de Luxembourg Investments.

Marchés émergents : au-delà des apparences

Audience de l'article : 2298 lectures
Nombre de commentaires : 0 réactions
« If your goal is anything but profitability – if it’s to be big, or to grow fast, or to become a technology leader – you’ll hit problems. » (Michael Porter)

La première chose que les marchés émergents évoquent aux investisseurs est probablement la croissance, ce qui n'est guère étonnant étant donné que les pays en développement ont constitué le principal moteur de l'économie mondiale depuis 2001 avec une contribution de plus en plus importante au fil des ans.

Contribution des pays émergents dans la croissance mondiale
graph01 FR 

Source : Morgan Stanley

La croissance économique n'est toutefois pas toujours synonyme de rendement financier élevé

C'est la raison pour laquelle les marchés émergents sont parfois perçus, ou plutôt vendus, comme une classe d'actifs indispensable à tout portefeuille d'investissement. Leur croissance supérieure, indépendante de la conjoncture macroéconomique mondiale (le fameux « découplage » par rapport au monde industrialisé), est un concept particulièrement séduisant et facile à transmettre d'un point de vue marketing. La promotion des marchés émergents se limite malheureusement souvent à ce seul argument. Pire, les statistiques ne montrent aucune relation particulière entre la croissance du PIB et les rendements des marchés boursiers. Au contraire, on pourrait même y déceler une corrélation légèrement négative.

Rendement des marchés boursiers et croissance du PIB pour les marchés émergents (1980-2010)
graph02b EN 
Source : GMO, MSCI, S&P, Datastream au 31/12/2010

Les investisseurs devraient dès lors se défaire de l'idée selon laquelle la croissance du PIB est automatiquement synonyme de rendements élevés. Les bénéfices des entreprises jouent un rôle bien plus important dans la performance des marchés boursiers. En soi, la croissance est une bonne chose, mais uniquement si elle est rentable et durable. Malheureusement, ces deux derniers critères sont souvent relégués au second plan, en particulier dans les économies qui affichent une croissance rapide.

Cette rhétorique de forte croissance économique des pays émergents pourrait en outre encourager les investisseurs à simplement acheter un indice d'actions émergentes dans le but de participer à la progression économique de la région. Si un tel comportement est tout à fait légitime, les investisseurs doivent avoir conscience de ce qu'ils achètent. Bon nombre d'entreprises des pays émergents sont davantage axées sur la croissance mondiale que sur la croissance domestique, tandis que d'autres sont peu rentables.

Investir dans les indices des marchés émergents : « The Good, the Bad and the Ugly »

Penchons-nous par exemple sur la composition du MSCI Emerging Markets, l'indice de référence le plus couramment utilisé au titre des investissements dans les actions émergentes. Cet indice est pondéré sur base de la capitalisation boursière et fortement exposé (à hauteur de 25%) aux valeurs de l'énergie et des matières premières, dont les grands noms incluent notamment Gazprom (gaz, Russie), CNOOC (pétrole et gaz, Chine) et Vale (mines, Brésil). Du fait de la nature de leurs activités, ces sociétés affichent une plus forte corrélation avec les économies industrialisées qu'avec le thème de la croissance domestique. Elles constituent par ailleurs des valeurs très cycliques à forte intensité capitalistique étant donné qu'elles font face à des dépenses élevées dans le cadre de l'exploration et de l'exploitation de nouvelles réserves de pétrole ou de l'extraction de métaux. Outre ces frais fixes élevés, elles ne disposent que d'un pouvoir d'augmentation des prix relativement limité.

L'indice investit également 25% de ses actifs dans le secteur financier, principalement dans des grandes banques chinoises et brésiliennes. Bien que les banques soient corrélées à l'économie domestique, nous évitons les mégabanques en raison de leurs nombreux éléments hors bilan, qui les rendent difficiles à évaluer.

L'indice est investi à hauteur de 20% dans des valeurs de l'industrie et des technologies de l'information. Dans ce dernier secteur, Samsung Electronics et Taiwan Semiconductor Manufacturing Company représentent de loin les plus importantes pondérations. Très rentables grâce à de nets avantages concurrentiels tels qu'une technologie de pointe, une image de marque et une taille conséquente, ces deux sociétés font plutôt exception à la règle.

Dans bon nombre de secteurs, la concurrence entre sociétés des marchés émergents se limite trop souvent aux prix. Au cours de la dernière décennie, les coûts de main-d'œuvre plus faibles leur ont permis de gagner des parts de marché, mais les choses sont en train de changer. Du fait de la hausse des salaires minimum en Chine, des entreprises à forte intensité en main-d’œuvre et à faible valeur ajoutée ont déjà commencé à délocaliser leurs activités dans des pays tels que le Vietnam ou le Bangladesh, où la production coûte moins cher. Une telle stratégie n'est pas viable à long terme. En l'absence d'avantages concurrentiels plus décisifs, ces sociétés verront leurs marges diminuées par la hausse des frais d'exploitation, incapables d'adapter leurs prix pour répercuter ces frais supplémentaires auprès de leurs clients.

Les secteurs des télécommunications et des services aux collectivités représentent environ 15% de l'indice. Si ceux-ci affichent généralement des barrières à l'entrée importantes, les sociétés et leurs bénéfices dépendent toutefois du bon vouloir des politiciens. China Mobile et America Movil, les deux plus grandes sociétés de télécommunications au sein de l'indice, ont fait ou font les frais de la volonté des autorités à ouvrir les marchés, mettant ainsi leur suprématie en péril. Leur avantage concurrentiel pourrait dès lors s'avérer éphémère.

Enfin, l'indice MSCI Emerging Markets est investi à concurrence d'environ 15% seulement dans les secteurs de la consommation (discrétionnaire et courante) qui sont le plus liés au thème séculaire de la croissance de la classe moyenne dans les pays émergents. Une allocation relativement modeste qui contraste avec celle de notre fonds BL-Emerging Markets (ISIN : LU0309192036), dont la composante actions affiche actuellement une exposition de 67% à ces secteurs.

BL-Emerging Markets - Allocation sectorielle pour la partie actions du portefeuille
graph03 FR 
Source : BLI au 31/05/2013

Les sociétés du secteur de la consommation ne sont certes pas toutes attrayantes, mais bon nombre d'entre elles répondent à nos critères d'investissement.

Plaidoyer en faveur d'une gestion active

Chez BLI, nous adoptons une approche à long terme en matière d'investissement et nous nous considérons co-propriétaires des entreprises dans lesquelles nous investissons. Nous mettons dès lors l'accent sur laqualité et la viabilité. Avant de prendre une décision d'investissement, nous nous posons les questions suivantes : la société bénéficie-t-elle des avantages concurrentiels nécessaires pour préserver sa rentabilité et ses marges ? Sommes-nous disposés à détenir cette société à l'horizon des 5 à 10 prochaines années ? Quelles sont ses capacités en termes de génération de liquidités ? Et enfin, combien vaut-elle ? Car même les entreprises de la meilleure qualité peuvent s'avérer trop onéreuses. Comme le disait Warren Buffett : « Price is what you pay. Value is what you get. »

Les sociétés du secteur de la consommation telles que Natura Cosmeticos (cosmétiques, Brésil) bénéficient d'une marque locale très forte qui leur garantit une clientèle loyale et le pouvoir de fixer les prix. Avec une part de marché dominante de plus de 80% en Turquie, Anadolu Efes, un brasseur local, est en mesure de repousser les nouveaux acteurs de l'industrie de la bière et de préserver ses marges. Want Want China, un producteur chinois d'aliments emballés, prépare des produits de niche destinés à combler les goûts des consommateurs locaux. Des sociétés fermement implantées telles que celles-ci évoluent sur leurs marchés locaux depuis des dizaines d'années grâce à des réseaux de distribution efficaces et d'envergure. Leurs avantages concurrentiels les rendent extrêmement rentables.

En outre, ces sociétés affichent une croissance solide. Elles sont directement exposées aux consommateurs locaux et sont au premier rang pour bénéficier de la croissance des classes moyennes. Etant donné que la demande de certains produits a tendance à s'accélérer lorsque les revenus disponibles des ménages atteignent un certain niveau (courbes d'Engel), les sociétés de qualité du secteur de la consommation sont idéalement positionnées pour les années à venir, plusieurs pays émergents ayant en effet amorcé cette phase d'accélération.

Chez BLI, nous sommes convaincus que la sélection de titres permet de générer de la valeur ajoutéequelle que soit la région géographique, et en ce sens, les marchés émergents ne sont pas différents des Etats-Unis, de l'Europe ou du Japon. En fin de compte, ce n'est pas la croissance du PIB mais bien la réussite ou l'échec des sociétés en portefeuille qui détermine le rendement des investissements. Investir dans un indice constitue certes une option, mais vous risquez de ne pas y trouver ce que vous cherchez.

Article écrit par Marc Erpelding,

gestionnaire du fonds BL-Emerging Markets

Part A B C
Devise EUR EUR USD
Cap/Dis Dis Cap Cap
ISIN LU0309191905 LU0309192036 LU0887931029

Poster un commentaire