Guy Wagner
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Je suis chief economist à la Banque de Luxembourg.
Dans mon blog, je commente les derniers développements sur les marchés financiers ainsi que mes évaluations sur leur future évolution.
Ces pages s’adressent aux investisseurs dans des fonds et actions avec un certain intérêt pour les marchés boursiers.
Mon parcours
Licencié en Sciences Economiques de l'Université Libre de Bruxelles, je rejoins la Banque de Luxembourg en 1986, où je fus successivement responsable des départements analyse financière et Asset Management. Depuis 2005, je suis administrateur-directeur de BLI - Banque de Luxembourg Investments.
Quel avenir pour les banques chinoises ?
Audience de l'article : 1792 lecturesPerformance des banques chinoises
Source : Bloomberg
La mauvaise qualité de ce secteur provient en grande partie de la présence de créances douteuses au sein des bilans des banques. L’origine de ce problème date des années 2008-2009. A l’époque, la Chine avait encouragé les banques (toutes étatiques) à prêter massivement, principalement aux secteurs liés aux infrastructures afin de continuer à soutenir la croissance. Or, la plupart de ces projets n’étaient ni vraiment utiles, ni rentables et ont servi avant tout à éviter l’effondrement de l’économie après la crise financière. Toutes ces opérations ont laissé les collectivités locales et les entreprises d'Etat avec un grand nombre de dettes qu'elles ne pourront pas rembourser à terme.
Ce à quoi nous assistons pour le moment, c’est un soutien sans faille de ces fragiles débiteurs par l’Etat à travers ses banques. Concrètement, cela signifie que plutôt que de reconnaître une créance douteuse et la provisionner directement, les banques ont préféré continuer à prêter en remettant ces problèmes à plus tard. Maintenir à flot des emprunteurs insolvables par des banques qui, elles-mêmes, ne se recapitalisent pas est exactement le phénomène qui a empêché l'assainissement de l'économie nippone depuis 25 ans.
Le refinancement de ces projets pèse d’ailleurs négativement sur la vélocité de l’argent en Chine depuis 2009.
Vélocité de la monnaie en Chine (PIB nominal/M2)
Source : CEIC, PBOC, CLSA
La vélocité de la monnaie étant la vitesse de circulation de celle-ci, il est logique que si une banque re-prête à un débiteur une somme d’argent dans le simple but de refinancer ses dettes antérieures, alors cet argent, nouvellement créé, ne contribuera pas directement à de nouveaux projets d’investissement et aura peu d’utilité économique (il n’aura aucun effet multiplicateur et ne contribuera donc pas à l’augmentation de la vélocité de l’argent). Cet argent risque d’être perdu à terme et minera davantage les bilans des banques, qui n’auront d’autres choix que de se recapitaliser.
La trop grande dépendance de la Chine envers les investissements a forcément conduit à des problèmes de surcapacités. Beaucoup d’industries (liées à l’Etat) comme la métallurgie, l’aluminium, l’automobile, le ciment, le verre, le papier ou encore la construction navale connaissent ce genre de problèmes financés par cette abondance de nouveaux crédits. Ceci contribue en partie à la baisse de l’inflation en Chine.
Le recul de l’inflation, ajoutée à la morosité des indicateurs de confiance et à l’affaiblissement des prix de l’immobilier, a conduit la Banque Centrale de Chine à baisser ses taux d’intérêt en novembre dernier. Cette réduction des taux a été accueillie de manière très enthousiaste par les investisseurs qui anticipent d’autres gestes de relâchement monétaire à venir.
Les investisseurs pensent donc que la Banque Centrale de Chine pourrait jouer le même jeu que les Banques Centrales occidentales en injectant énormément de liquidités dans le système, en baissant les taux encore davantage ou encore en réduisant les ratios de réserves obligatoires des banques. Les banques chinoises, déjà suspectées de receler énormément de créances douteuses, risqueraient d’en être submergées à terme.
Sur le court terme, le marché chinois pourrait répliquer ce que les marchés américains et européens ont fait avant lui, à savoir faire une poursuite de la hausse des cours des banques. D’autant plus que ces dernières se traitent à des niveaux de valorisation particulièrement déprimés, à des multiples proches de 6 fois les profits estimés pour 2015.
Si l’argument paraît tentant à première vue, il ne faut toutefois pas se laisser entraîner trop vite dans une telle spéculation car le marché chinois va entrer dans une phase de libéralisation. Ce qui veut dire que les grandes banques étatiques pourraient se faire concurrencer par de nouveaux acteurs privés sans mauvais antécédents au niveau de la qualité de leurs bilans. Ces acteurs seraient mieux armés que les banques traditionnelles pour baisser leurs marges afin de gagner des parts de marché, quitte à fonctionner à perte pendant quelques années.
En Chine, les taux de dépôts ainsi que les taux de crédits sont fixes. La dernière baisse de taux initiée le 21 novembre 2014 a vu les taux de crédit baisser de 6% à 5,6% et les taux de dépôt de 3% à 2,75%. Vu que toute baisse des taux est de nature à faire diminuer le coût du crédit, elle serait donc de nouveau asymétrique, à savoir une baisse plus importante des taux créditeurs. On voit bien que ce mouvement est négatif pour les marges d’intérêt des banques, ce qui est difficilement compatible avec une croissance bénéficiaire.
Ce rebond des banques ne nous paraît pas pérenne car il est induit par une revalorisation des multiples et non pas par une augmentation des profits ou une amélioration des fondamentaux. De plus, les dernières mesures mises en place ne font qu’exacerber le problèmes d’endettement.
Dans nos fonds d'investissement, nous ne détenons aucune banque chinoise. Outre les arguments développés supra, ces dernières nous semblent impossibles à valoriser car elles sont trop peu transparenteset trop dépendantes des autorités publiques.
Notre méthodologie d’investissement nous incite à acheter des entreprises qui nous paraissent sous-évaluées et dont la thèse d’investissement est pérenne avec comme critères principaux la présence d’un avantage compétitif, d’un bilan solide et d’un certain pouvoir sur la fixation des prix.
Or, les banques chinoises présentent peu (ou pas) d’avantages compétitifs. Il s’agit principalement de véhicules étatiques chargés de collecter l’épargne et de prêter des fonds. L’actionnaire majoritaire est à chaque fois le même, à savoir l’Etat chinois. Et c’est ce dernier qui oriente les crédits sans grande analyse du risque. Son objectif n’est pas nécessairement le même que celui des actionnaires minoritaires. Quant auxbilans, ils ne sont pas solides car ils recèlent un bon nombre de créances douteuses. Enfin ces entités ne disposent d’aucun pouvoir de fixation des prix car les prêts octroyés aux entreprises publiques de mauvaise qualité le sont à des conditions favorables imposées par l’Etat: 6,6% pour les entreprises appartenant à l’Etat Central (Central SOE) contre 9,4% en moyenne pour le secteur privé (voir graphique).
Taux moyens pratiqués par les banques chinoises en 2013
Source: CLSA
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