Passons sur le fait que, contrairement à ce qu’affirme la propagande massive subie avant et pendant la COP21, la science n’est pas “figée”, et qu’il existe de nombreuses voix scientifiques sérieuses qui estiment que les émissions de CO2 liées à nos activités ne sont pas un problème de l’ampleur décrite par l’ONU et son excroissance climatique, le GIEC. Certains scientifiques affirment même qu’un peu plus de CO2 serait nettement bénéfique pour l’humanité, et notamment pour son agriculture. Je reviendrai sur la polémique scientifique un autre jour.
Mais quand bien même cela serait utile ou souhaitable, cet accord a-t-il la moindre chance d’aboutir à une réduction visible et sensible des émissions de CO2 mondial ?
Un accord non contraignant, exigé par la Chine et l’Inde
Comme vous l’avez sans doute lu, malgré les cris de victoire des activistes environnementaux et les larmes de Laurent Fabius, l’accord sera “non contraignant” et ne fixe aucune cible de réduction des émissions par elles mêmes, préférant évoquer une “limitation de la hausse de température”, ce qui devrait bien se passer, notamment si les sceptiques ont raison ! D’ailleurs, les climato-sceptiques, en général, ont bien accueilli l’accord (voir ici le commentaire d’Anthony Watts), notant qu’il comporte une clause de sortie (article 28) permettant à toute nation signataire d’en sortir par simple lettre aux nations unies au bout de 3 ans. On ne saurait mieux dire que certains pays se préparent à retourner leur veste si le ralentissement du cycle solaire que nous observons produit ses effets attendus sur les températures mondiales… Au contraire, l’activiste vert James Hansen a déploré l’absence d’engagement précis contenu dans l’accord, qu’il qualifie de “tromperie”, estimant qu’il donne un blanc seing aux gros consommateurs d’énergies fossiles pour continuer à le faire. Je pense que nous devrions voir fleurir, dans les jours, qui viennent, des accusations de manipulation de la COP21 par les lobbies climato-sceptiques…
Quoiqu’il en soit, il ne pouvait en être autrement. En effet, l’absence de contrainte était la condition sine qua non de la signature des deux pays les plus peuplés du monde, la Chine et l’Inde, respectivement 1er et 3e émetteurs mondiaux de CO2 (L’inde est 4° si on considère l’Union Européenne comme un seul émetteur, ce qui est discutable), comptant pour un peu plus d’un tiers de la population mondiale (2.6 sur 7.3 Mds, soit 35%) et… environ un tiers des émissions (12.8Gt sur 36, soit 35%, source WP), fort logiquement. A elle seule, la Chine représente 29 % des émissions mondiales, et ses émissions augmentent de près de 10% par an depuis 2000 pour alimenter sa croissance économique. Autant dire qu’un accord climatique sans la Chine n’aurait eu aucun sens, mais que celle ci ne pouvait en aucun cas se laisser imposer un texte limitant sa consommation énergétique.
Les deux diagrammes ci dessous illustrent l’importance essentielle de la Chine dans les émissions de CO2 mondiales, et montrent sans ambiguité que cette prépondérance sera encore plus forte demain:


Notons que les USA parviennent aujourd’hui à réduire leurs émissions en substituant des centrales au gaz de schiste à quelques centrales à charbon: à quantité d’énergie produite égale, la combustion du gaz naturel émet 2.7 fois moins de CO2 que celle du Charbon.
La Chine et le charbon, une histoire pas prête de s’arrêter
Or, la Chine ne peut opérer le même mouvement de substitution que les USA. D’une part, elle ne dispose pas (ou en tout cas n’a pas découvert) des mêmes réserves de gaz de schistes que les USA. D’autre part, il convient de décrypter la dépendance de son économie au charbon. C’est ce qu’a fait l’économiste canadienne Patricia Adams, dirigeante d’une ONG soutenant les activistes environnementalistes chinois, dans ce rapport publié par la Global Warming Policy Foundation (Pdf), que je vais résumer ici, en y intégrant d’autres éléments glanés ailleurs.
$1- La Chine produit aujourd’hui 90% de son énergie depuis les combustibles fossiles, dont 66% pour le Charbon, 18% pour le pétrole, 6% pour le Gaz. Le reste est produit principalement par des barrages, l’éolien et le nucléaire représentant environ 1% chacun, et le solaire 0,1%. La Chine a fait savoir avant la COP21 qu’elle s’engageait “moralement”, à condition de ne pas y être contrainte, à amener son mix énergétique à “seulement” 80% d’énergies fossiles en 2030.
$1- La Chine est d’une inefficacité énergétique proprement (enfin, façon de parler !) consternante: Pour 1 unité de PIB, la Chine utilise 40% d’énergie en plus que l’Inde, 3.3 fois plus d’énergie que les USA, et 5.4 fois plus d’énergie que le Japon ! Cela tient à la nature publique ou para-publiques des grandes industries chinoises, que ce soit du côté des grands producteurs d’électricité, ou des grandes industries consommatrices, et de leur mode de management par le parti communiste chinois, qui donne une priorité absolue à la croissance, hors de toute autre considération. Or, la Chine sait (car elle étudie les leçons de l’histoire des autres pays) que la croissance nécessite de l’énergie, pour transformer et déplacer les productions. Le gouvernement, en "bon" "capital-dirigiste" qu’il est, a donc privilégié une politique de subvention de l’énergie, qui contribue à la très grande inefficacité énergétique de ses entreprises.
$1- Cette priorité à l’hypercroissance s’explique facilement: la Chine vit depuis les années 80 ce que l’Europe a vécu au XIXe siècle: un exode rural massif. Il y avait 7 agglomérations de plus d’un million d’habitants en Chine en 1950, il y en a 70 aujourd’hui, et cette population aspire à un niveau de vie croissant. Le Parti Communiste, qui doit régulièrement réprimer des mouvements de contestation sociale durs, sait qu’il ne peut se maintenir au pouvoir que si cette nouvelle population urbaine est satisfaite de son niveau de vie. “Du pain et des jeux”...
$1- Le deuxième gros problème du parti communiste est l’explosion de la pollution de l’air. Or, comme tout scientifique sérieux le sait, celle ci n’a rien à voir avec le CO2, qui n’est pas un polluant, mais avec d’autres composés émis par la combustion des énergies fossiles, à savoir les oxydes sulfurés et azotés (généralement désignés par SOx et NOx), et les particules fines. Internet aidant, les autorités chinoises ne peuvent plus minimiser le problème, et la population est en colère contre l’absence de progrès réels dans ce domaine, qui affecte gravement la santé publique, notamment des jeunes enfants. Or, les moyens de lutte les plus économiques contre les NOx et SOx ne sont pas les mêmes que ceux permettant de réduire le CO2. On peut même dire que les deux objectifs sont parfois techniquement antagonistes.
$1- En effet, pour réduire les taux de SOx et de NOx, il n’est pas forcément nécessaire de remplacer les vieilles centrales par des usines modernes, même si cette voie serait la plus efficace. Plus économiquement, il “suffit” de brancher, à la sortie des échappements industriels, des épurateurs ad hoc. Ces technologies existent, sont même souvent installées, mais... les entreprises concernées ont tendance à les “court-circuiter”. En effet, ces techniques réduisent la pollution, mais aussi les rendements énergétiques des installations. de plus, ces équipements doivent être renouvelés d’autant plus souvent qu’ils servent. Or, rappelons le, ces entreprises ont des objectifs de croissance et de cash flow sévères, et tout est bon pour les atteindre, y compris la tricherie. Ce biais comportemental n’est pas propre à la Chine, comme l’affaire VW vient de le montrer, mais le management autoritaire des pouvoirs locaux par l’exécutif central multiplie les incitations à obéir “coûte que coûte” aux objectifs financiers des plans quinquennaux, quitte à sacrifier le reste. De fait, court-circuiter les équipements de dépollution, même lorsqu’ils sont obligatoires, est une pratique courante en Chine. Et donc, paradoxalement, si le gouvernement devait se montrer plus ferme sur le contrôle du bon usage des équipements de dépollution, il susciterait un besoin accru de combustibles pour compenser la baisse de rendement des installations. Et s’il force l’industrie à lutter contre les NOx/SOx, il ne peut en même temps les forcer à investir dans la lutte contre le CO2.
$1- Si la Chine atteint ses objectifs de croissance (cela reste à prouver), sa consommation d’énergie croîtra de 16% à 28% d’ici 2020 (selon diverses estimations), et le charbon continuera à représenter entre 60 et 62% du mix global (contre 66 aujourd’hui), ce qui veut dire que la consommation de charbon va continuer à croître. Aussi, même si la Chine tente de développer son parc nucléaire (via des prises de participation majoritaires chez Westinghouse ou Areva), et si elle espère faire passer le gaz de 5 à 10% de son “mix”, elle va surtout ajouter près de 1200 centrales à charbon à son parc existant de 2400 (cf schéma ci dessous, source “the times”, cité par Watts). Notons également que l’Inde suit le même mouvement. Certes, une partie de ces centrales modernes va remplacer les plus vieilles usines, mais la plupart seront bien de nouvelles centrales.

$1- Ajoutons que le taux de possession automobile des chinois va continuer d’augmenter, rendant difficile d’espérer une baisse des consommations pétrolières. Et vu que l’électricité chinoise provient du charbon, une conversion à la voiture électrique massive des chinois aurait un impact… négatif sur les émissions de CO2. Pourtant, il est probable que les autorités chinoises essaient de favoriser les véhicules électriques dès qu’ils atteindront un certain degré de maturité technologique, car les chinois donneront la priorité à la réduction des NOx et SOx. L'humain tend toujours à privilégier les problèmes du jour à ceux plus hypothétiques de demain, et cette tendance est particulièrement exacerbée chez le politicien qui craint pour son pouvoir...
L’accord COP21: uniquement pour sauver la face
Que conclure de tout ceci ? La population chinoise se moque royalement du CO2, gaz incolore, inodore, et non polluant, mais veut à la fois de la croissance et une vraie lutte contre les vraies pollutions (particules/SOx/NOx) qui tuent ses enfants.
Bien qu’autoritaire, le pouvoir chinois sait qu’il ne peut, à l’ère d’Internet accessible à tous, ignorer les plaintes et les désirs de sa population, sous peine de voir son existence menacée. Le gouvernement n’a donc pas d’autre choix que de laisser filer sa consommation d’énergies fossiles, et donc de charbon, et d’utiliser ses pouvoirs dictatoriaux pour contraindre les entreprises récalcitrantes à s’équiper et à utiliser réellement les équipements de dépollution adaptés. Le GWPF note que le niveau de corruption de l’économie chinoise est tel qu’il est très incertain que le gouvernement parvienne à faire réellement respecter cette obligation. Les “engagements” pris par la Chine correspondent en fait à une poursuite de ses tendances longues en matière d’amélioration de son efficacité énergétique (quantité d’énergie nécessaire par point de PIB), ce qui sera relativement facile puisque la Chine part de très bas en ce domaine.
Cependant, la Chine ne pouvait pas, en façade du moins, rester à l’écart de l’accord COP21. En effet, son modèle économique reste mercantiliste et basé sur des exportations massives notamment vers les USA et l’Europe. Snober la COP21 aurait pu valoir à la Chine une image internationale de “pollueur” (les masses lobotomisées des ONG bruyantes étant persuadées que le CO2 pollue) et provoquer des réactions protectionnistes anti “made in China”, ce qui serait évidemment désastreux pour ses objectifs de croissance.
Aussi la Chine a-t-elle oeuvré pour qu’il y ait un accord permettant à tout le monde de sauver la face, aux ONG de célébrer leur quart d’heure d’euphorie, à la Chine de ne pas être montrée du doigt aux consommateurs du monde entier, mais surtout pour que cet accord ne comporte aucune contrainte forte pour le gouvernement chinois, susceptible de porter atteinte à son objectif de croissance à tout prix.
Hypocrisie généralisée et ineptie de la politique française
Cette situation était parfaitement connue de toutes les parties prenantes avant la COP21, et les chefs de gouvernement ne sont pas dupes du double jeu chinois avant et pendant cette conférence. Aussi faut il ne prendre les larmes de crocodile versées par Laurent Fabius lors de la validation de l’accord que pour ce qu’elles sont: une démonstration d’hypocrisie parmi tant d’autres.
On peut donc se demander, dans ce contexte, quel est l’intérêt la France, un des pays déjà les plus décarbonés qui soit (moins de 6T de CO2 par tête, un des trois pays à fort PIB les plus “vertueux” derrière la Suède et la Suisse), à s’attacher un boulet aux pieds en s’entêtant à promouvoir une transition énergétique coûteuse et pénalisante pour la compétitivité de nos entreprises, alors qu’elle représente déjà moins de 1% des émissions globales (300 millions de tonnes annuelles sur 36 milliards), et que même si nous nous arrêtions totalement de rejeter tout carbone (ce qui voudrait dire que nous serions tous morts), la baisse que cela représenterait serait nettement inférieure à l’augmentation annuelle des émissions chinoises. Il conviendra d’étudier dans de futurs articles, face à cette réalité incontournable, quels pourraient être de meilleurs choix politiques que l’entêtement actuel dans des voies coûteuses et sans issue.
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