Thibault Doidy de Kerguelen
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Les Républicains se plantent ils au Kansas?
Audience de l'article : 1901 lecturesLa gauche (menée par Paul Krugman) mène présentement une offensive contre lacourbe de Laffer en prenant le Kansas comme contre-exemple. En 2012, le gouvernement de cet État mené par le Républicain Sam Brownback a instauré des réductions d’impôts dans le but de stimuler la croissance. Ces réductions seront mises en place entre 2013 et 2018. Jusqu’à maintenant, le Kansas a continué de tirer de l’arrière en ce qui concerne notamment la création d’emplois comparativement à la moyenne nationale. Est-ce là une preuve que les réductions d’impôts ne sont pas un moyen efficace de relancer une économie?
L’emploi
Tout d’abord, il est intéressant de comparer le Kansas à son voisin le Missouri. La ville de Kansas City est d’ailleurs à cheval sur les deux États. Dans cette ville, depuis 2012, la création d’emplois a été supérieure du côté du Kansas à ce qu’elle a été du côté Missouri. Par ailleurs, le taux de chômage a diminué significativement plus dans l’état du Kansas que du Missouri, à un niveau enviable de seulement 4.4% présentement (versus 5.9% au niveau national).
On peut d’ailleurs comprendre que comme le Kansas avait un taux de chômage inférieur à la moyenne nationale (et à la Californie qui est à 7.3%), il est normal que la création d’emploi en reprise économique y soit inférieure aux états où la récession a été la plus sévère. D’ailleurs, le taux de chômage du Kansas est présentement nettement inférieur à ceux de la Californie et de New York, qui ont des taux d’imposition beaucoup plus élevés.
D’ailleurs, il ne faut pas oublier qu’en observant l’emploi total, on inclut la fonction publique, qui au Kansas a été réduite de -1.4%, alors que le nombre de fonctionnaires a augmenté au niveau national. L’emploi privé (excluant la fonction publique) a mieux fait au Kansas depuis les réductions d’impôt.
Loin d’un paradis fiscal
Même après la première vague de réductions d’impôts, le taux d’imposition du Kansas demeure relativement élevé, surtout comparativement à certains de ses voisins. Le taux actuel de 4.9% demeure plus élevé que celui du Colorado (4.6%), alors que le Texas, le Dakota du Sud et le Wyoming n’ont pas d’impôt sur le revenu. Donc, ces réductions d’impôts ne font que réduire l’écart entre le Kansas et ses voisins, sans toutefois rendre cet État soudainement attrayant d’un point de vue fiscal. Par ailleurs, il ne faut pas oublier que la taxe de vente a été augmentée.
Autres indicateurs
Depuis le quatrième trimestre de 2012, le revenu personnel a augmenté de 2.92% au Kansas versus 2.85% pour la moyenne nationale, ce qui est supérieur à tous les états voisins excepté le Colorado. En terme de salaires moyens hebdomadaires, ils ont augmenté de 4.82% au Kansas, plus de 4 fois plus qu’au Missouri, 7 fois plus qu’au Nebraska et 4 fois plus qu’en Oklahoma.
Baisse des revenus de taxation
En conséquence des baisse d’impôts, les revenus de taxation ont diminué comparativement à 2012. Ceci dit, il ne faut pas oublier que 2012 avait été une année exceptionnelle. En raison d’une augmentation de l’impôt sur les gains en capitaux au niveau fédéral, les contribuables se sont empressés d’encaisser ces gains en 2012 plutôt qu’en 2013 pour réduire leur facture fiscale, ce qui a généré une grande entrée de fonds en 2012. La baisse de revenus en 2013 n’est donc qu’un redressement de cette anomalie.
Laissons leur un peu de temps…
Les baisses d’impôts viennent à peine d’être mises en place et ne le seront complètement qu’en 2018. Est-il vraiment raisonnable d’avoir espéré des résultats spectaculaires après seulement 2 ans? Les gens auront davantage d’argent dans leurs poches, qu’ils pourront utiliser pour rembourser leur dettes, mais aussi pour consommer et investir, ce qui créera éventuellement des emplois. C’est plutôt en 2020 ou même 2025 que l’on pourra vraiment évaluer l’impact économique des baisses d’impôts de Sam Brownback.
Par ailleurs, l’économie du Kansas n’est pas un vase clos. Il se peut bien qu’une part de ces économies d’impôts soit utilisée pour consommer des biens produits ailleurs aux États-Unis ou investir dans des entreprises situées hors du Kansas, contribuant ainsi à l’économie nationale. Il serait d’ailleurs normal que ce capital aille dans les états où le taux de chômage est plus élevé et où la main d’oeuvre est possiblement moins chère, d’autant plus que le taux d’imposition des entreprises demeure plus élevés au Kansas que la moyenne nationale. Dans cette perspective, il est normal de ne pas assister à embellie significative seulement deux ans après ces mesures.
Cependant, on peut questionner la manière utilisée pour financer ces baisses d’impôts. À cet égard, il semblerait que l’administration Brownback a coupé dans l’éducation plutôt que dans la bureaucratie, ce qui pourrait s’avérer contre-productif.
Ceci dit, les chiffres à plus long terme sont éloquents. Au cours des deux dernières décennies, les 9 états qui n’ont pas d’impôt sur le revenu ont bénéficié du double de croissance de population et plus du double de croissance des revenus comparativement aux états ayant les taux d’imposition les plus élevés. Entre 1990 et 2014, le Texas et la Floride, les deux plus gros états sans impôt, ont observé une croissance de l’emploi de 65% et 45% respectivement, ce qui se compare favorablement à la Californie (+24%) et à New York (+9%), dont les taux d’imposition sont très élevés.
En somme, la gauche devrait mettre les choses en perspective avant de tirer des conclusions aussi hâtives…
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