Bien que les feux se propagent loin des centres d’exploitation des sables bitumineux, la production a déjà diminué de 1 million de barils/jour (b/j). On ne peut s’empêcher de faire un lien entre le réchauffement climatique et la technologie d’extraction d'or noir la plus polluante. Est-ce que cet écosystème industriel, environnemental et économique pourra se reconstruire alors que les cours du pétrole remontent grâce à cette catastrophe ?
Fort McMurray: Capitale Mondiale du Réchauffement Climatique
A la fin des années 90, avant l’arrivée des compagnies pétrolières, Fort McMurray recensait à peine 10'000 citoyens. La semaine dernière, elle comptait 78'000 habitants ainsi que 43'000 «shadow workers» (travailleurs de l'ombre), logés directement dans les exploitations pétrolières à 50 km plus au nord.Il a fallu déboiser, bétonner, construire et faire sortir de terre une ville artificielle et tenter de lui donner une once de viabilité. La grande majorité de ces infrastructures ont été financées par les investissements privés des grands producteurs pétroliers soucieux d’attirer assez d’employés dans cet endroit austère et au climat hostile.
Avec le temps, Fort Mc Murray a réussi à forger une population expérimentée dans l'exploitation des sables bitumineux ainsi que de se créer une renommée mondiale dans une industrie qui produit le 8,3% des gaz à effet de serre du Canada
Combien seront-ils à revenir dans cette ville devenue fantôme où ils ont tout perdu?
Avec les prix actuels du baril, est-ce que les pétroliers et les assurances auront le financement disponible et la volonté de recréer les infrastructures dévastées?
Le business modèle repose sur les travailleurs immigrés
Pour répondre aux besoins financiers des compagnies pétrolières, le gouvernement a dû importer en masse de la main d’œuvre étrangère pour assurer, à très bas coûts, les tâches logistiques secondaires comme dans la restauration, les hôpitaux, les magasins, la construction, la prostitution ou certains emplois difficiles dans l’exploitation des sables bitumineux.En échange, le gouvernement a exigé des compagnies pétrolières que les emplois les plus rémunérateurs soient réservés aux canadiens.
Les immigrés représentent 70'000 des 133'000 emplois que compte le secteur. Sans ces travailleurs de seconde zone, le boom n’aurait pas été possible. Ils se retrouvent aujourd'hui sans travail et donc sans permis.
Les services de l'immigration canadienne ont fait savoir qu'ils allaient examiner la situation afin de faire exception au principe du renvoi automatique.
Mais un retour à Fort Mc Murray pourrait prendre plusieurs semaines. Auront-il les ressources financières pour tenir durant tout ce temps?
Baisse de 1 million de barils de pétrole par jour. Le baril remonte
En temps normal, l’Alberta produit un peu plus de 2,1 millions baril par jour (b/j) de pétrole bitumineux.Une grande partie des 43'000 travailleurs de l'ombre ont dû être évacués des zones d’exploitation afin que leurs mobile homes soient déplacés et mis à disposition les habitants évacués de Fort McMurray.
Même si pour l'instant les terrains d'exploitation ne sont pas directement menacés par l'incendie, faute de main d’œuvre Syncrude, Suncor, Shell, Nexen, ConocoPhilips, Total, Husky et Connacher ont dû se résigner à suspendre leurs opérations. Leurs pertes pourraient s’élever à 5 milliards $ alors qu’elles sont déjà en difficulté.
Cependant, la coupe sèche d’un million b/j est une excellente nouvelle pour les producteurs qui ont vu les prix du baril remonter à 45$ à New York.
Si la paralysie devait continuer pendant plusieurs semaines, les marchés pourraient durablement regrimper et redonner espoir aux producteurs.
Environnement et Incendie: La violence des feux interpelle.
La création de Fort Mc Murray repose sur des bases anarchiques dans la plus grande tradition du grand frère américain.La déforestation pratiquée de manière sauvage favorise les feux de forêt en laissant brindilles et branches sèches et appauvrissant les sols. Un hiver très sec, des températures dépassants de 15 degrés les normales saisonnières et un fort vent auront fait le reste. Les causes du départ de l’incendie ne sont pas connues, mais en revanche sa propagation s’explique.
Sur les réseaux sociaux canadiens, ceux osent mettre les mots «réchauffement climatique» et «Pétrole bitumineux» dans la même phrase font face à la virulence de ceux qui ne voient aucun impact sur le climat. Comme les participants ont des opinions très tranchées, les étincelles embrasent cette fois-ci le Net.
Au-delà de cette catastrophe, on peut se demander si tout ce business modèle n’est pas la dernière folie des hommes pour tenter d'extraire du sol les dernières gouttes de pétrole?
Importer des travailleurs bon marché, exploiter anarchiquement le sol, polluer sans se soucier des conséquence et exporter la quasi totalité de la production aux USA. Combien de fois les canadiens voudront-ils reconstruire cet écosystème?
Du côté des assureurs, la réponse est déjà connue.