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Vincent Benard

Vincent Benard

Vincent Bénard est analyste à l'Institut Turgot (Paris) et, depuis mars 2008, directeur de l'Institut Hayek (Bruxelles). C'est un spécialiste du logement et  de la crise financière de 2007-2008 (subprimes). Grand défenseur du libéralisme économique, Vincent décortique tous les errements des Etats providence !

Métro Grand Paris: les conséquences immobilières d’un projet délirant

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Je vous ai alertés sur les perspectives financières plus que sombres du projet de “Métro Grand Paris”, grande boucle ferroviaire à l’utilité plus que discutable reliant des zones de faible densité à un prix astronomique, d’au moins 27 Milliards d'euros. Je dis “Au moins”, parce que l’expérience montre que sur ce type de grands projets d’infrastructures portés bien plus par des volontés politiques que par de sérieuses perspectives de marché, les dépassements de devis initiaux sont la règle.

Cela tombe bien, les “Echos” nous informent que “le sous-sol francilien réserve bien des mauvaises surprises aux ingénieurs”, et que le projet devrait prendre au moins deux ans de retard, sans précision sur l’augmentation de l’addition finale qu’il faut en attendre. Contribuables, à vos calculettes !

Mais ceci n’est rien à côté des questions posées par un nouveau rapport privé sur ce projet.

La SGP, opérateur de transports et promoteur immobilier


L’économiste (du CNAM) Philippe Herlin publie un “livre blanc” consacré aux 3 problèmes majeurs des franciliens (logement, emploi, transports) en vue des régionales. Il attire l’attention sur l’élément clé du financement des milliards du Grand Paris (Livre blanc, en PDF):

Après avoir noté que le plan de financement officiel par “des taxes supplémentaires” ne tenait pas la route, P. Herlin note que la loi du 3 juin 2010 portant création de la SGP (Société du Grand Paris) permet à cette dernière non seulement d’exproprier les surfaces nécessaires à la constructions de cette infrastructure (jusque là, rien de surprenant) mais aussi de “mener des opérations d’aménagement” dans un rayon de 400 mètres autour des gares du Grand Paris express, en relation avec les collectivités concernées. Or, il y aura environ 70 gares, et la surface potentiellement concernée, selon un rapport officiel évaluant la mise en place du projet du Métro Grand Paris, atteint 138 km2, soit plus que Paris Intra Muros !

La SGP se voit confier les prérogatives d’un établissement public d’aménagement, ce qui lui permet le cas échéant, de recourir à l’expropriation dans le cadre de certaines procédures d’aménagement, comme une ZAC. Toutefois, l’essentiel de ses achats non directement reliés aux infrastructures devra se faire de gré à gré.

Un nouveau “Super Établissement Public Foncier”

Pour l’aider, le quotidien “La Tribune” nous apprend que la SGP disposera du bras armé d’une toute nouvelle structure, un “GEPF (Grand Etablissement Public Foncier)” d’Île de France, remplaçant les Établissements Publics Fonciers départementaux du même territoire, et chargé, entre autres, de préempter ou acheter les terrains en question. Ces achats se feront suffisamment longtemps à l’avance pour que l’emplacement précis des gares ne soit pas connu du grand public et des professionnels, donnant à l’EPF une longueur d’avance. En langage politiquement correct,  le GEPF va assurer le “portage” des terrains sur une longue période, aux frais du contribuable, jusqu’à ce que la SGP puisse y commencer ses travaux. En quelque sorte, l’EPF espère bénéficier d’une sorte de “délit d’initié” pour acheter les terrains moins chers*. Selon la Tribune, l’EPF dispose déjà d’un stock foncier de 1,4 Mds € (pas tous liés au Métro Gd Paris), et ne compte pas s’arrêter là.

Il n’est pas certain que le calcul soit économiquement bon: conserver pendant des années des terrains en attente de construction génère de forts coûts d’opportunité… et d’intérêts d’emprunts, car tout cela se fera avec un fort recours à la dette (l’article de “la Tribune” est très clair: la création du GEPF doit permettre, selon son directeur, d’augmenter “l’effet de levier”, aujourd’hui de “seulement” 25% du bilan). Or, en Ile de France, les terrains constructibles sont chers, et il n’est pas sûr que même affectés d’une plus-value liée à la connaissance précise du lieu d’implantation des gares, il ne serait pas plus économique d’acheter ces terrains au plus près de la réalisation du projet qui y prendra place.

Politique d’achats ciblés

Mais suis-je naïf… Il  est évident que le jeu sera vicié. Le GEPF achètera en priorité des terrains aujourd’hui non destinés au logement, (friches industrielles, entre autres), puis, dans le cadre de la mise en oeuvre de la métropole du grand Paris et de son PLU métropolitain, lesdits terrains deviendront constructibles en logement par la suite… Donc plus chers. Le directeur du GEPF le dit lui même:

« Les nouvelles logiques nous imposent de bâtir des territoires urbains qui sont souvent déjà construits. 80% de ceux que nous achetons le sont. Et c'est de plus en plus compliqué car nous sommes obligés d'intervenir sur des grandes friches industrielles, mais de plus en plus sur des tissus vivants où il existe des entrepôts, des entreprises, et c'est un travail extraordinairement complexe ».

Vous me direz que cette création de surfaces constructibles devrait me faire plaisir, moi qui suis un militant de l’assouplissement des PLU…

Hélas, hélas… Pour que la Société du Grand Paris puisse rentrer dans ses frais, il faudra qu’elle puisse réaliser des plus values confortables sur ses opérations. Or, même en banlieue proche, il n’est pas, mais alors pas du tout certain, que le marché actuellement bullaire reste en sommet de bulle à horizon 5-15 ans.

L’Etat promoteur immobilier peut il accepter la concurrence ? Ou va-t-il la limiter ?

Nous quittons ici le domaine du fait avéré pour rentrer dans celui de l’hypothèse, mais hélas vraisemblable. Résumons:

$11.    Pour se financer, la SGP devra réaliser de grosses plus values immobilières dans une période de 5 à 15 ans, alors qu’elle achète ou fait acheter son stock de terrains à des prix “bullaires”, même si elle sélectionne de préférence des zones hors logement.
 

$12.    Les risques de moins value immobilières sont réels, et seront d’autant plus élevés si la construction redémarre dans les 5 ans, car la concurrence d’autres programmes avec ceux de la SGP serait alors forte.
 

$13.    La SGP a donc tout intérêt à ce que la construction en proche banlieue parisienne, et intramuros, reste à un niveau bas, jusqu’à ce que ses propres programmes sortent.
 

$14.    De nombreux administrateurs de la SGP et du GEPF, issus du monde politique, siègeront également à la “Métropole du Grand Paris”, récemment crée par la loi MAPTAM, et qui sera dotée d’une compétence “urbanisme” commune. Ils pourront donc faire en sorte que le PLU de la métropole, sur les zones concernées, ne libère que peu de terrains susceptibles de concurrencer ceux de la SGP. 
 

$15.    Les prix du terrain à Paris et en proche banlieue risquent donc de se maintenir à des niveaux très élevés, renforçant les problèmes de mal-logement dans la région, et poussant à la hausse le coût déjà très élevé des politiques “sociales” du logement supposées aider les ménages défavorisés.



Et tous les outils juridiques pour ce faire sont en place: outre la création de la métropole et de son PLU intercommunal par la loi MAPTAM, le Grenelle de l’Environnement, voté par la majorité précédente, a consacré l’obligation de privilégier, dans les PLU, le développement autour des lignes de transport en commun. Ce concept est venu des USA sous le nom de “Transit Oriented Development”, et a généré tant d’insatisfaction que même les plus à gauche de ses défenseurs initiaux commencent à comprendre  qu’il constitue un échec grave tant en terme de qualité de vie qu’en terme d’accessibilité financière du logement.

D’une manière ou d’une autre, les franciliens passeront à la caisse

De facto, les parties prenantes publiques du projet de Métro Grand Paris constitueront le principal Lobby anti libéralisation foncière autour de la capitale dans les années à venir.

Clairement, ce n’est pas une bonne nouvelle pour les franciliens. A des coûts directs déjà délirants, le projet du métro Grand Paris, qui n’apportera pas grand chose en termes de mobilité, risque très fortement de contribuer à renchérir le logement en ceinture de Paris.

A moins, bien sûr, que la manoeuvre de revienne en boomerang à la figure de ses instigateurs. Imaginons, par exemple, que les taux d’intérêt retournent à leur moyenne historique : il n’est pas certain que l'île de France ne connaisse pas le même dégonflement de bulle immobilière que celui qu’elle a vécu entre 1991 et 1997, avant de repartir de plus belle à la hausse. Et alors là, les satellites de l’Etat Français se retrouveraient à la tête d’une montagne de dettes d’un côté, et de tombereaux de terrains impossibles à rentabiliser… Ce serait une très bonne nouvelle pour les acheteurs de logement, mais un nouveau désastre pour les contribuables appelés à la rescousse pour combler le trou du couple SGP/GEPF …

Que ce soit lié au prix du logement où au comblement d’une débâcle financière, les franciliens paieront très cher le délire politicien du Métro Grand Paris**.

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Notes

(*) Notez le vocabulaire employé par “La Tribune” pour justifier la création du GEPF: il s’agit de “lutter contre la spéculation immobilière” de ces méchants propriétaires qui, sachant où seraient les gares, oseraient demander un prix meilleur ! Ainsi, le journaliste écrit qu’ “à Villejuif , Champigny, au Bourget, à la Courneuve, dans le Val de Bièvre, le spéculateur guette”. Il manque juste “tapi dans l’ombre et surveillant ses proies…”, mais l’esprit est là !

Mais à aucun moment, le rédacteur ne se demande si le qualificatif de “spéculateur” ne devrait pas être appliqué au GEPF… La Tribune nous avait habitués à mieux.

(**) Au régionales, un seul parti défendra une remise en cause de ce projet ahurissant, le Parti Libéral Démocrate. Pensez y si vous votez en Région Ile De France. (Information : je suis adhérent)

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Liens vers les articles cités dans ce texte

Livre blanc “Comment améliorer la qualité de vie en Ile de France” (PDF) par Philippe Herlin

Métro Grand Paris, une erreur stratégique à 27 Milliards”, Vincent Benard

Réorienter les priorités du métro Grand Paris”, (PDF) Cercle des transports

Un choc foncier pour le grand Paris”, La Tribune

Contraindre la ville autour des transports en commun, une hérésie”, V. Benard

La Bulle immobilière est d’abord foncière, en voici la preuve”, V. Benard

Textes officiels

Loi du 3 juin 2010 portant création du Grand Paris

Rapport (dithyrambique) des députés Albarello et Bachelay sur la mise en place du Grand Paris, “une chance pour l’IdF et la France entière”, rien que cela.

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