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Vincent Benard

Vincent Benard

Vincent Bénard est analyste à l'Institut Turgot (Paris) et, depuis mars 2008, directeur de l'Institut Hayek (Bruxelles). C'est un spécialiste du logement et  de la crise financière de 2007-2008 (subprimes). Grand défenseur du libéralisme économique, Vincent décortique tous les errements des Etats providence !

Dieu est-il l'antidote à Goldman Sachs ?

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Lloyd Blankfein, dirigeant de la banque Goldman Sachs, que la modestie n'étouffe pas, a affirmé dans une interview qu'il accomplissait le travail de Dieu. Je ne suis pas spécialement théologien, mais il me semble que Dieu n'aurait pas confié ses bonnes oeuvres à un, euh,... un présumé innocent de la trempe de M. Blankfein. Et malgré mon agnosticisme primaire, il me semble qu'un retour aux principes de droit très simples hérités des commandements fondateurs des civilisations judéo-chrétiennes nous aurait au contraire protégés des agissements de ce triste personnage, bien plus que les monceaux actuels de règles foisonnantes, qui encouragent le vice.

La SEC entame des poursuites contre Goldman Sachs

Une fois de plus, Goldman Sachs est au centre d'un scandale financier. Mais cette fois ci, la tempête pourrait ne pas être que médiatique, puisque la SEC, l'autorité des marchés financiers des USA, a décidé de porter l'affaire devant la justice.

Rappelons brièvement ce dont on accuse Goldman Sachs. Je vous avais parlé de John Paulson, ce financier Texan qui avait réussi à tirer profit de la déconfiture des obligations basées sur des prêts immobiliers, en achetant des CDS avant que la bulle immobilière n'explose.
 

 

Mais il semblerait que la bonne étoile de M. John Paulson - A ne pas confondre avec Hank Paulson, pas de lien familial, ancien PDG de... Goldman Sachs, lui aussi, avant d'être ministre des finances de G.W. Bush et enfin gestionnaire du plan de sauvetage des institutions financières ruinées par la crise- n'ait que à voir avec son talent de financier, mais plus probablement avec ses bonnes relations avec Goldman Sachs... et une possible escroquerie dont la banque d'affaires aurait été - à ce stade, le conditionnel est de rigueur, présomption d'innocence oblige-  la cheville ouvrière.

 

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Des produits conçus pour ne pas fonctionner !

John Paulson se serait entendu avec Goldman Sachs pour créer des "Mortgage Backed Securities", ces fonds de placements obligataires alimentés par des prêts immobiliers, composées de prêts particulièrement peu fiables, et acheter non pas les obligations ("CDO") émises par ces MBS, mais des "CDS" ou Credit Default Swaps, des contrats d'assurance émis par des compagnies protégeant les porteurs d'obligations d'un éventuel défaut de paiement. Autrement dit, J.Paulson aurait passé commande de produits pourris que Goldman aurait vendus à d'autres, pour pouvoir parier contre ces mêmes produits !

 

Pourquoi Goldman aurait elle plongé dans la combine ? D'une part parce qu'elle touchait des commissions sur ces opérations, d'autre part parce que, grâce à la technique de titrisation par tranche décrite dans ces colonnes, elle arrivait à faire noter AAA la plus grande partie de ces obligations pourtant pourries par des agences de notation dont l'incompétence ne laisse d'étonner, et donc elle parvenait sans peine à les revendre à des investisseurs dont certains s'estiment aujourd'hui floués.

Pire encore, Goldman aurait également acheté des CDS sur ces titres, ce qui aurait été normal si elle les avait garantis -le CDS devenait alors le moyen d'assumer cette garantie-, mais il semble que cela n'ait pas toujours été le cas. Autrement dit, elle aurait parié sur le défaut de paiement de produits financiers qu'elle vendait tout de même à ses investisseurs. Je suppose que vous n'aimeriez pas que votre garagiste aille parier -sur un site comme intrade- sur vos chances de survie au volant d'un véhicule qu'il vous aurait vendu, et qu'il aurait spécialement fabriqué pour permettre à des parieurs amis de faire de même !

Une affaire sur le fil du rasoir pour la SEC ?

Bref, la SEC, très normalement, après avoir découvert certaines anomalies, a ouvert une enquête. Or, si moralement, et sauf improbable fait nouveau les absolvant de toute faute, l'abjection du comportement et de M. John Paulson et de Goldman Sachs ne fait aucun doute, il semblerait qu'en droit, le cas de Goldman Sachs ne soit en rien désespéré. D'ailleurs, John Paulson, pour l'instant, n'est pas inquiété, car il semblerait qu'il n'ait pas dérogé à la lettre des déclarations et règlements auxquels ils devait soumettre son activité*. Et certains analystes estiment que la SEC aura fort affaire pour faire condamner sévèrement la banque, car celle ci aurait respecté "à la lettre" ses obligations légales. En tout cas, l'affaire pourrait se juger sur des détails sémantiques... Mais d'autres analystes (et pas n'importe lesquels, voir liens en bas de page) estiment au contraire que Goldman Sachs se défend maladroitement et de fait, aggrave son cas.

Le Mercatus Center a montré que la production législative opposable aux banques américaines a culminé à 70 000 pages annuelles et que plus de 12 000 officiels étaient en charge de vérifier leur application rien qu'au niveau fédéral. Le droit américain des affaires et les subtilités des obligations déclaratives financières outre-atlantique me sont étrangers, mais constatons simplement qu'à ce stade, il est possible que la construction réglementaire américaine, forte de plusieurs centaines de milliers de pages et de milliers de bureaucrates en charge de leur application, n'ait pas rendu légalement totalement impensable ce que la morale considère sans la moindre hésitation comme une escroquerie pure et simple.

D'ailleurs, nul doute que le département juridique de GS a soupesé le pour et le contre avant de lancer de tels montages. Et a estimé qu'il pouvait agir ainsi en restant dans les clous de la réglementation actuelle. Il s'est peut être trompé, mais la lettre de la législation actuelle lui a fait apparaître ce schéma comme plausiblement acceptable par un tribunal. Et si d'aventure un jury parvenait à une conclusion inverse, c'est encore sur le foisonnement législatif que compteront les avocats de Goldman Sachs pour réduire la peine de leur client.

Loi naturelle contre droit positif : le "droit de Dieu" contre celui des états
 

 

Maintenant, imaginons qu'à l'instar des juges du temps ancien, tel Saint-Louis sous son chêne, juges qui fondaient leur droit sur quelques principes simples et la coutume, le droit  applicable à Goldman Sachs et M. Paulson se soit réduit à une version à peine étoffée des 10 commandements, du genre "tu ne voleras point". Ou encore, qu'il ait été proche de la déclinaison plus actuelle donnée par Jacques de Guénin, président du cercle Frédéric Bastiat, qui définit l'éthique (libérale, cela va sans dire) de l'honnête homme comme celle qui lui interdit "d'obtenir de quiconque toute chose hors de son libre consentement, par la coercition, la dissimulation ou la tromperie".

 

Dans une telle écriture lapidaire du droit, où le juge serait amené à se poser la seule question qui vaille:"y-a-t-il eu tromperie - les parties prenantes ont elles été honnêtes", et non "le formulaire R-105b comportait il les avertissements obligatoires définis par la loi en fonction du profil des investisseurs attendus", alors croyez vous que Goldman Sachs et J. Paulson se seraient lancés dans une telle aventure ?

 


Là ou les commandements simples du catéchisme que les hommes attribuent à Dieu auraient sans doute fortement réduit l'incitation des protagonistes de cette histoire à commettre les fraudes qui leurs sont potentiellement imputables, le droit pléthorique -qualifié de positif par les juristes de profession, ce qui n'est pas sans ironie en l'espèce- issu de décennies de connivences intéressées entre états et grandes puissances financières a favorisé l'émergence du vice.

Le droit "naturel" **, issu de principes moraux forts et profondément humanistes, et du recours privilégié à la jurisprudence comme principal outil de fabrication du droit, est en tout point supérieur au droit "positif", constructiviste et pléthorique, dont le foisonnement fournit aux prédateurs la jungle -on parle plutôt de "maquis juridique", notez bien-  dont ils ont besoin pour tenter de camoufler leurs mauvaises intentions.

L'efficacité d'une construction législative ne se juge pas, loin s'en faut, au poids des textes qu'il faut faire respecter. Si réforme de la finance il y a, elle ne doit pas reposer sur plus de lois, plus de règles prétendument exhaustives, qui ne seront qu'autant d'occasions de contournement à but lucratif, mais au contraire sur plus de rigueur dans l'application de quelques règles très simples, issues des principes ancestraux qui ont fondé la plupart des morales des grandes civilisations, à commencer par la nôtre.

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*Certains observateurs estiment que c'est une tactique de la SEC pour obtenir plus d'informations, et que le tour de J.Paulson viendra en temps utiles. Qui vivra verra.

** J'invite les lecteurs que la question intéresse à se procurer "le droit naturel et ses ennemis", de l'avocat Patrick Simon

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Bons articles sur l'affaire Goldman Sachs-Paulson


Bloomberg : Just how strong is the Securities and Exchange Commission’s lawsuit against Goldman Sachs and a 31-year-old vice president who nicknamed himself Fabulous Fab? It depends on what the meaning of the word “selected” is.

Lawrence Copeland: Why should financial institutions, with their armies of finance professionals, quants specialists and lawyers, be exempt from the caveat emptor principle which so often applies to ordinary folk?

Sam Antar I (lui même condamné pour fraude financière il y a quelques années): Goldman Sachs chose not to wait until Monday and fully digest the implications of the SEC complaint. After a relatively short consultation with its attorneys, the company hastily issued a detailed press release later Friday afternoon that I believe will land it into deeper potential trouble.

Sam Antar II (plus ardu) : Goldman Sachs is opening up itself to potential new allegations of securities law violations by investors who rely on its comments about the SEC complaint. Those deceptive comments can be used by the SEC to show an intent to defraud investors in the underlying alleged securities law violation, as part of a cover up by the company.


Gretchen Morgenson (NYT, déjà citée ici) : Mr. Paulson, 54, was not named as a defendant in the S.E.C. suit, but his role in devising the instrument that caused $1 billion in losses for Goldman’s customers is detailed in the complaint. Robert Khuzami, the director of enforcement at the S.E.C., explained that, unlike Goldman, the manager of the hedge fund, Paulson & Company, had not made misrepresentations to investors buying the security, known as a collateralized debt obligation.


WSJ : The SEC still faces challenges in persuading a jury should the case go to trial, lawyers not involved in the case said.

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