Vous n'êtes pas membre (devenir membre) ou pas connecté (se connecter)
Bernard Marois

Bernard Marois

Bernard Marois est diplomé d’HEC, MBA de l’Université Columbia de New York et docteur en sciences de gestion. Il est actuellement professeur emeritus au Groupe HEC.

Il écrit régulièrement dans des revues spécialisées, telles que Banque Magazine, La Revue Francaise de Gestion ou Les Echos.

A quoi sert le FMI

Audience de l'article : 2410 lectures
Nombre de commentaires : 0 réactions

A l’heure où beaucoup suggèrent de créer un Fonds Monétaire Européen pour sauver la Grèce, il paraît utile de revenir sur les principes qui ont présidé à la création du Fonds Monétaire International. Le FMI a été créé à la suite de la Conférence Internationale de Bretton-Woods, en 1944. Dans un premier temps, il avait comme objectif de garantir la stabilité du système monétaire international, en venant au secours des monnaies en difficulté, grâce à des prêts à long terme en dollars. A l’époque, les taux de change étaient fixes (variations maximales autorisées de plus ou moins 1%), arrimés au dollar, lui même lié à l’or par un lien inamovible (le dollar valant alors un trente-cinquième d’once d’or).

Lorsque le Président Nixon décida de suspendre la convertibilité du dollar en or, le 15 août 1971, à la suite d’une détérioration prolongée de la balance des paiements des Etats-Unis (financement de la guerre du Vietnam), les cours de change perdirent leur stabilité de l’après-guerre et l’économie mondiale rentra dans un système de « taux de change flexibles ». De ce fait, le rôle du FMI changea profondément : il ne pouvait plus être « le gendarme » du système monétaire international qui désormais évoluait en fonction du marché des changes. Il trouva donc un autre rôle : soutenir les pays victimes d’un endettement excessif. A commencer par l’Amérique Latine (Brésil, Mexique, Argentine) dans les années 80 et l’Asie du Sud-Est, à la fin  des années 90, puis la Russie en 1998 et de nouveau l’Argentine en 2001.

Le fonctionnement de l’aide apportée par le FMI est théoriquement assez simple : des prêts à long terme en échange de réformes économiques d’inspiration libérale : dévaluation de la monnaie nationale, en général trop chère, de façon à rétablir la balance commerciale ; ouverture des marchés de biens, pour favoriser les échanges internationaux ; privatisation de l’industrie, réformes fiscales, etc. Le versement des fonds s’effectue par tranches, en fonction des résultats obtenus par l’emprunteur (notion de « conditionnalité »). Il y a donc une interférence implicite du FMI dans la politique économique menée par le pays débiteur, ce qui explique que cette institution soit considérée comme un « dernier recours », lorsque les marchés financiers, qui ne pratiquent pas la conditionnalité, refusent de prêter. Compte-tenu de la perte de souveraineté que l’action du FMI entraîne, on comprend que les Etats développés rechignent à le solliciter : seul parmi les grands pays, la Grande Bretagne y a eu recours, dans les années 70.  De petits Etats ont dû s’y soumettre, en l’absence d’autres choix : on mentionnera depuis la récente crise financière : l’Irlande, la Hongrie, l’Ukraine ou la Roumanie. Par contre, le FMI est très présent auprès des pays émergents, ainsi que nous l’avons indiqué précédemment.

En terme de gouvernance, les décisions du FMI (l’octroi d’un prêt et ses modalités) sont prises à la majorité. Chaque pays dispose d’un poids égal à son « quota » dans le capital social du FMI, lui même proportionnel à la puissance économique de chaque membre, contrairement à l’ONU où chaque pays membre bénéficie d’une voix. Les Etats-Unis, avec 16% des votes sont les seuls à disposer d’un droit de veto (au-dessus de 15%). Les pays de l’Union Européenne interviennent en ordre dispersé, chacun pour soi, ce qui est un handicap ; en plus, le poids de certains d’entre eux (France, Grande Bretagne) vient d’être abaissé : la France passera de 4,5% à 3,5% des droits de vote. Si l’Union Européenne obtenait un seul siège, elle bénéficierait de plus de 25% des votes, ce qui lui donnerait un grand pouvoir. Dommage.

Au niveau des moyens, le FMI vient de voir récemment ses capacités de financement tripler : 750 milliards de dollars, au lieu de 250 milliards (cela paraît énorme, mais c’est seulement 3% du commerce mondial !). Ceci étant, l’impact d’un crédit octroyé par le FMI est bien plus important que le simple montant affiché : en effet, il est un gage de confiance dans le pays emprunteur, qui va ensuite pouvoir emprunter plus facilement sur les marchés financiers.

On comprend donc que l’action du FMI soit indispensable aujourd’hui, non seulement en tant que simple prêteur, mais aussi parce qu’il est perçu comme un signal positif dans la procédure de rétablissement économique d’un Etat. Certes sa « potion » accompagnatrice  peut parfois apparaître comme douloureuse pour le débiteur, mais au bout du compte sa situation financière s’améliorera : globalement le FMI a eu un rôle capital dans la sortie de la crise d’endettement qu’ont connue l’Amérique Latine dans les années 80 et l’Asie du Sud-Est en 1998-1999.

On peut donc s’en inspirer utilement, si on veut créer un Fonds Monétaire Européen, qui pourrait intervenir dans des conditions similaires, pour aider les pays de la zone euro en difficulté, telle la Grèce. En son absence, il ne restera plus qu’à faire appel à son modèle, le FMI, ce qui apparaît quand même comme une humiliation pour l’Europe dans son ensemble (imagine-t-on la Californie recourir au FMI ?).

 

Bernard MAROIS

Professeur Emérite HEC-PARIS

Président Club Finance HEC

Poster un commentaire