Henri Dumas
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Libéral convaincu, je tire des expériences de ma vie une philosophie et des propositions.
Le tout sans prétention de vérité.
Mon blog : www.temoignagefiscal.com
Où sont les sages ? Le cœur poli par l'âge... Où sont les sages ?
Audience de l'article : 1381 lecturesQue s’est-il passé ?
Lentement, insidieusement, en tout espace collectif : la majorité a remplacé la loi.
L’idée folle que cette abstraction : « le peuple », a toujours raison a débouché sur cette énormité.
Arrivé à ce paragraphe de mon billet, il s’est produit un événement extraordinaire.
Le téléphone a sonné sur mon bureau et une société « médiamachin » m’a demandé si je savais ce qu’est l’audimat. Incroyable non ?
J’ai répondu que l’audimat est la pire des choses, que son avènement a entraîné la déconsidération de la télévision et de la radio. J’ai argumenté en comparant l’audimat à l’argent en économie, qui ne doit pas être le but mais uniquement le résultat. Résultat qui n’est jamais atteint si justement l’argent devient le but unique. Le monde économique est plus sophistiqué que cela, ceux qui s’y intéressent comprennent très rapidement qu’il ne faut pas se tromper d’objectif et prendre le résultat pour le moteur.
La personne qui m’a appelé, au demeurant sympathique, se proposait – cerise sur le gâteau – de me relier à son organisation pour comptabiliser mes heures d’internet et mes références de consultation. Rien que ça.
Il m’a été aisé de lui expliquer que l’espace de liberté que représente internet ne doit pas devenir lui aussi — comme la presse, la radio et la télévision — l’otage de la majorité au détriment de la liberté. Nous en sommes restés là. Hélas il est probable que sa démarche va aboutir. Finie la liberté d’expression sur le net, seuls survivront les gros compteurs d’audimat : la majorité instantanée, là aussi, sera la loi.
Revenons à mon billet.
La base de la démocratie est la majorité, c’est aussi son extrême faiblesse.
C’est pourquoi cette faiblesse est normalement compensée par la loi qui — plus stable bien que justement issue de la majorité – est lissée dans le temps et doit être accompagnée d’une réflexion profonde et d’un ajustement patient, dont se charge la jurisprudence.
Je veux dire qu’il y a majorité et majorité.
La majorité épidermique de l’instant, celle qui produit les lynchages et autres gracieusetés du type Hitler n’est pas respectable.
En revanche celle qui essaie de déterminer un consensus, qui voit le jour au terme de réflexions profondes, doit être protégée et servir de guide à l’organisation sociale. Pour cela elle a besoin d’être encadrée par la loi.
Là est le problème
Notre justice est devenue l’otage de la majorité instantanée, à la mode du moment.
Cela tient au fait que les lois elles-mêmes ne sont plus pensées dans leur profondeur, leur impact, mais uniquement pour « faire de l’audimat ».
De leur côté nos magistrats rêvent de passage sur les ondes ou dans la presse, eux aussi perdent de vue la profondeur de leur mission pour n’en garder que le spectaculaire.
Tout concourt à l’immédiat, au cynisme. Elus, bureaucrates, magistrats, affairistes, tous veulent tout, tout de suite et surtout que tout le monde le sache.
Conclusion
De quel côté que l’on se tourne, pas de stabilité, pas de sagesse, juste la loi du nombre, du poids, de la pression de la majorité frivole, celle de l’émotion instantanée.
Tous se réclament de la loi majoritaire, foin des codes, des textes difficiles mais ouverts, ils réclament l’immédiat, dur, violent, méchant, à la hauteur de leur colère de l’instant, de leurs caprices devenus les guides de leurs vies.
Cette majorité éphémère et irréfléchie est particulièrement manipulable, elle est effectivement abondamment manipulée.
Ses erreurs naturelles sont amplifiées par la manipulation et nous sommes arrivés au point de rupture.
C’est la faiblesse des démocraties, ce risque de mauvaise majorité.
Historiquement cette faiblesse fait cycliquement de tels ravages que l’on peut en arriver à se demander si la démocratie est un bon système social.
C’est mal poser la question. Les systèmes, celui-là ou les autres, ne sont que des constructions humaines, c’est l’homme lui-même le danger.
C’est à l’homme de se méfier de lui-même, tout particulièrement de son hubris lorsqu’il manipule les majorités de circonstance.
Extrait de Wikipédia :
« L’hybris, ou hubris, du grec ancien ὕϐρις / hybris, est une notion grecque qui se traduit souvent par « démesure ». C’est un sentiment violent inspiré des passions, particulièrement de l’orgueil. Les Grecs lui opposaient la tempérance et la modération. Dans la Grèce antique, l’hybris était considérée comme un crime.«
Bien à vous. H. Dumas