Les suites du foreclosuregate s'enchaînent et posent de plus en plus de questions sur les chances de survie de certains acteurs de la finance. Le 29 octobre dernier, l'AFGI (Association of Financial Guaranty Insurers), qui regroupe les principaux assureurs obligataires ("monolines") tels que AMBAC, a adressé une lettre précontentieuse à Bank Of America (PDF). Dans cette lettre, l'association estime que Bank Of America (ticker: BAC) est redevable à ses membres d'une somme comprise entre 10 et 20 milliards de dollars de remboursements. (hat tip: Neil Garfield)
Notons d'emblée, pour éviter toute polémique, que c'est au titre du rachat en 2008, en pleine crise financière, de Countrywide, l'ancien leader du crédit alors en faillite, dont les méthodes très probablement frauduleuses ont fait et font l'objet d'investigations, que Bank Of America semble rencontrer des problèmes. Auparavant, BAC était un acteur plutôt secondaire du "loan servicing", et ses activités antérieures au rachat de countrywide ne semblent pas faire l'objet d'analyses trop négatives pour l'instant. Ceci dit, après le rachat de Countrywide, BAC n'a rien fait pour corriger les comportements totalement contestables de sa filiale, notemment vis à vis des emprunteurs en difficulté.
Les termes très durs de l'AFGI
Au delà de la somme déjà fort rondelette, mais pas encore astronomique à l'ère de l'étalon Maddoff (rappel: 1 Maddoff = 50 milliards), c'est l'exposé des motifs qui inquiète fortement pour l'avenir de Bank Of America.
L'association estime qu'au moins 50% des prêts de première, seconde hypothèque, et HELOC titrisés par BAC entre 2005 et 2007 n'étaient pas conformes aux caractéristiques décrites par BAC dans ses notices informatives à la SEC, et que le processus de titrisation défectueux ne permettait pas à BAC d'affirmer que les trusts étaient effectivement en mesure de recouvrer leurs créances. A ce titre, l'AGFI estime que BAC doit racheter les prêts déficients aux MBS dont ils assurent les titres.
Les lecteurs d'Objectif Eco savent que la généralisation de ces pratiques était fortement suspectée, mais cette fois ci, l'affirmation vient de l'AFGI, qui a effectué des audits approfondis des titres litigieux. Pire pour Bank of America, l'AGFI affirme clairement que BAC connaissait les problèmes posés bien antérieurement à la crise et a donc, passez moi l'expression, "blousé" les assureurs.
Quel avenir pour Bank Of America ?
Si BAC, attaqué sur tous les fronts, décide de se battre, alors les informations versées par l'AGFI au dossier pourront être réutilisées par d'autres plaignants dans d'autres affaires pour étayer leur cas contre BAC. Or, une plainte en remboursement non pas des assureurs, mais des investisseurs, est également en cours, avec parmi les plaignants PIMCO, BlackRock, et la FED de New York, excusez du peu. Et cette fois, l'enjeu financier est compris entre 16 et 47 milliards. Sans parler de la valorisation des hypothèques de second rang encore dans les livres de compte de la banque (141 milliards) dont l'exposition publique de tels litiges forcerait la dépréciation comptable.
Si BAC décide d'accepter un arrangement avec l'AFGI, l'amputation de ses fonds propres risque de l'amener au bord de l'insolvabilité. Mais il n'est pas certain que les autres plaignants contre Bank Of America ne trouveraient pas à redire à un traitement privilégié de l'AFGI...
Il ne faut pas s'y tromper: l'AGFI représente des entreprises très touchées par la crise immobilières, et le combat contre BAC peut se voir comme un combat de deux géants pour leur survie. Il n'y aura aucun cadeau de part et d'autre, même si l'AFGI indique qu'elle préfèrerait une solution à l'amiable, en termes à peine voilés, pour ne pas contraindre BAC à la faillite:
"We write in the hope of resolving BoA's contractual obligations in a manner that will cause the least disruption to BoA while preserving our rights"
L'ancien régulateur en chef des caisses d'épargne William Black, qui fut en charge des poursuites de nombreuses fraudes commises alors et du processus de "sauvetage-liquidation" des caisses d'épargne faillies au début des années 90, estime que la FDIC devrait rapidement placer les TBTF ("Too Big Too Fail") en procédure de redressement judiciaire, comme cela est prévu par la nouvelle loi Dodd Frank, et suggère de commencer par Bank Of America. Simon Johnson, ancien économiste en chef du FMI, pense que BAC est dans une situation "particulièrement précaire", qui pourrait conduire à la dégradation de son credit rating au pire moment.
Celle ci a comptabilisé 233 milliards de fonds propres lors de son dernier bilan. Sachant que la SEC a rappelé l'obligation expresse de publier des comptes reflétant la réalité des risques connus (voir mon article d'hier), il faut s'attendre à voir BAC taper très fort dans ses fonds propres, et passer nettement en dessous des ratios de solvabilité de Bâle. Y aura-t-il pour autant mise en redressement ? Trop tôt pour le dire.
Le Wall Street journal du 2 novembre considère plus probable une autre possibilité: que Bank of America place d'elle même Countrywide en redressement, pour que les pertes imputables à Country aient un impact aussi limité que possible sur la maison mère.
Car il reste à savoir comment l'administration Obama et le nouveau congrès comptent (ou pas) s'insinuer dans la résolution du problème.
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