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Vincent Benard

Vincent Benard

Vincent Bénard est analyste à l'Institut Turgot (Paris) et, depuis mars 2008, directeur de l'Institut Hayek (Bruxelles). C'est un spécialiste du logement et  de la crise financière de 2007-2008 (subprimes). Grand défenseur du libéralisme économique, Vincent décortique tous les errements des Etats providence !

Le comble de l'absurde ? L'Etat va détruire plus de maisons que la tempête Xynthia ! Coût = 350 millions d'euros...

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Ainsi sont prises les décisions au pays de Descartes et de Blaise Pascal, qui doivent ventiler leur tombe à force de s'y retourner. Au lieu de prendre le temps de la réflexion et de l'analyse, l'Etat, surfant sur les mauvaises vagues de la tempête Xynthia, et sur l'émotion causée par ses 53 victimes, a décidé d'ajouter une nouvelle dimension à son rôle de protecteur de la population... en décidant arbitrairement de détruire 1400 maisons situées dans des zones jugées dangereuses. Détruire pour protéger, telle est la dernière conjecture paradoxale de notre désespérante bureaucratie...
 

 

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(nb. le présent article est la version longue d'un communiqué de presse préparé pour AL et le PLD)

 

Sauf complication judiciaire, qui n'est pas à exclure, l'état va raser plus de 900 maisons en Vendée et 400 en Charente Maritime, au nom du principe de précaution, habitations dont il a pourtant autorisé la construction dans le passé, et dont la plupart n'ont pas été touchées par la tempête. L'indemnisation des personnes ainsi expropriées devrait imposer plus de 350 millions d'Euros de charge aux contribuables (*).

 

Fuir le risque, ou le dompter ?

 

Si le gouvernement Italien raisonnait comme le nôtre, il ferait raser Venise, et les Pays-Bas évacueraient 19% de leur territoire situé derrière des polders sous le niveau de la mer. Barak Obama ordonnerait de détruire ce qui reste de la Nouvelle Orléans et les Maldives seraient préventivement vidées de leurs habitants. Evidemment, Nicolas Sarkozy devra peut être annoncer aux populations des Antilles et de la Réunion, exposées à des cyclones bien plus violents que Xynthia, qu'elles devront être relogées dans les montagnes ? Au fait, l'état fera-t-il condamner le rez de Chaussée de l'Elysée, qui avait été inondé lors des crues légendaires de 1910 ?

 

Blvd-haussman-1910
Le boulevard Haussmann sous les eaux - Source : Expo Paris 1910

 


L'humanité a toujours su se développer en contrôlant et en domptant les risques que la nature lui faisait courir. La terre a tremblé à Remiremont (Vosges) en 1682: les rescapés n'ont pas été expulsés, les maisons restées debout sont restées en place. L'humanité a juste appris à construire des maisons plus solides. Le Japon a développé l'un des pays les plus prospères du monde sur une des îles les plus exposées au risque sismique, et aux tsunamis côtiers qui l'accompagnent souvent. Imaginons la réaction des japonais si le gouvernement avait décidé de raser les maisons épargnées par le tremblement de terre de Kobe, au nom du "principe de précaution" !

L'inondation, fut-ce par rupture de digue, n'est en rien différente ou plus dangereuse que le risque sismique. Interdire systématiquement toute construction en zone à risque n’est ni raisonnable ni justifié, quand bien même un examen très superficiel de la situation pourrait laisser croire le contraire. D’autant que la décision du gouvernement, ô combien impulsive, est prise dans l’urgence, l’approximation et l’improvisation. L'état nounou veut, contre leur volonté, obliger 1400 propriétaires à fuir le risque, alors qu'il a tout fait pour qu'en amont, le risque ne puisse pas être maîtrisé.

Une gestion du risque collectivisée, mère de toutes les irresponsabilités

Pour que les risques soient correctement circonscrits, il faut que les premiers concernés, les propriétaires, soient informés et responsabilisés. La mission de l’état ne devrait pas être de faire régner l'arbitraire dans le choix des zones constructibles, mais de  garantir la mise à disposition de la meilleure information possible sur l'exposition historique aux risques majeurs de chaque terrain. Aujourd'hui, ces informations existent dans ses administrations, mais leur diffusion reste partielle, pour de nombreuses raisons qu'il serait trop long de détailler ici - Une autre fois...

Ce n'est pas tout. En sur réglementant l'assurance par la loi de 1982, les pouvoirs publics ont totalement faussé la perception du risque couru tant par les propriétaires que par leurs assureurs. En effet, le régime mis en place par cette loi, un régime de mutualisation, s'appuie sur la notion bien galvaudée de "solidarité" : même si elles ne sont pas concernées par un risque naturel, l'ensemble des personnes ayant contracté une assurance dommage ou perte d'exploitation cotisent obligatoirement à l'assurance catastrophe naturelle, par le biais d'une surprime au tarif uniforme. Autrement dit, le coût potentiel d'une catastrophe qui, bien que spectaculaire, ne touche qu'une part minime de la population, est réparti sur tant de cotisants que personne n'a intérêt à s'attaquer sérieusement à la réduction du risque.

Et puis la gestion foncière arbitraire de l'état n'arrange rien. Les pouvoirs publics, octroyant parcimonieusement et arbitrairement la constructibilité à trop peu de terrains en regard de la demande, ont empêché la réflexion privée sur la pertinence de construire dans certaines zones plutôt que d'autres: on construit là où l'état a dit que l'on pouvait le faire, c'est tout. Après tout, si l'état dit qu'un terrain est "constructible", c'est qu'il a dû s'assurer qu'il n'y avait pas de problème, non ? C'est en tout cas ce que beaucoup de gens croient.

En outre, cette gestion par le rationnement du foncier a parfois favorisé des décisions porteuses de risque accidentel, le choix des rares terrains ouverts à la construction résultant de compromis entre les pressions économiques et contre-pressions anti-construction des populations en place, avec, pour couronner l'ensemble, une implication variable des services de l'état d'une commune à l'autre, tantôt force d'obstruction, tantôt cédant aux pressions de tel ou tel groupe organisé... Inutile de dire que malgré les discours officiels, la prévention du risque naturel n'est pas toujours défendue avec autant de vigueur que les autres préoccupations lorsque vient le temps de l'élaboration d'un Plan Local d'Urbanisme (PLU). (cf. cette note)
 

 

Financement et gestion des ouvrages de protection

 

Et que dire des digues ? En faisant supporter par les budgets publics l'entretien des ouvrages de protection des zones à risque, les différents niveaux institutionnels publics ont favorisé l'irresponsabilité dans la prise de décisions individuelles de ceux qui choisissaient de vivre sous leur protection. La traditionnelle incapacité des structures publiques à maintenir dans le temps le bon état de leurs infrastructures lourdes a fait le reste: la protection "offerte" par le contribuable n'était pas aussi efficace que promis.

 

Certes, il est des cas où il parait difficile de ne pas recourir à la puissance publique pour créer ces ouvrages. Ainsi, lorsqu'il a fallu canaliser, écluser et sécuriser les flux d'écoulement de la seine pour éviter que l'inondation de 1910 ne se renouvelle, le nombre de personnes privées concernées par un projet concernant l'ensemble du bassin versant de la Seine et de ses affluents était tel qu'il était impensable que ces ouvrages soient financés par une association privée de propriétaires: le coût de transaction pour obtenir la participation financière de plusieurs millions de parties prenantes eut été par trop considérable. Dans ce cas, et dans ce cas seulement, le recours à l'état, malgré ses vices conceptuels, reste la moins mauvaise des solutions, sous l'expresse réserve que l'impôt servant à financer l'investissement soit exclusivement payé par ceux qui en bénéficient et non par toute la nation.

Mais je doute que malgré le nombre de personnes concernées, la problématique ait été identique à la Faute sur mer, où à l'Aiguillon, où à chaque fois, le nombre de propriétaires concerné est inférieur à 1000. Identifier les propriétaires occupant la même zone à risque et les regrouper au sein d'une copropriété en charge de définir elle même ses règles de financement et de gestion de l'entretien de la digue eut été certainement une bien meilleure solution en vue de diminuer le risque encouru par les logements dépendant de la solidité de l'ouvrage. Et aujourd'hui encore, cela serait une bien meilleure option que la destruction complète de ces zones avec de l'argent public.

 

La perception du risque est gommée par l'intervention publique

Il est à noter que des maisons anciennes situées dans les mêmes zones inondables que nos villas de lotissement ont bien mieux résisté. Dans les siècles précédents, malgré des technologies rudimentaires, on savait qu'il fallait légèrement surélever son sol, et bien ancrer sa fondation pour limiter les risques d'écroulement par affouillement du substrat.

Mais quelques décennies de collectivisation de la gestion des risques ont fait perdre tout sens commun aux promoteurs et aux acheteurs de logement en bord de mer: la mutualisation gomme la perception des risques encourus. Ainsi, on y a multiplié des construction mal ancrées, dans des points bas, mal fondées, pas surélevées, de véritables concentrations de cages à lapins construites à l'économie, parce qu'après avoir payé un terrain au prix de l'or, l'argent manque pour construire de la qualité...

La France n'est pas un cas isolé. Ce pays lointain que d'aucuns aiment à nous présenter comme ultra-libéral, les USA, a un système public de gestion des risques naturels et d'indemnisation basé sur les mêmes principes, le FEMA, créé sous Jimmy Carter, et héritier de dispositifs similaires empilés au cours des décennies précédentes. Et bien, il est affligé des mêmes maux que le nôtre: après une catastrophe, les personnes vivant en zone exposée font simplement reconstruire aux frais du contribuable, réclament de nouveaux équipements publics, et ne se préoccupent pas ou peu d'améliorer leur niveau personnel de protection (Cf. cet article de Capitalism Magazine). Partout, les mêmes causes entrainent les mêmes effets.

La responsabilité individuelle comme solution


Pour non pas éviter mais considérablement limiter les conséquences des catastrophes naturelles, il faut remettre au centre du système de gestion des risques la notion de responsabilité individuelle. C'est aux propriétaires exposés aux risques -et à eux seuls- de trouver un assureur prêt à garantir ces risques, moyennant une modulation des primes. C'est à eux que revient de financer le renforcement des ouvrages de protection. Quant à ceux qui préfèreraient vendre, qu'ils le fassent, mais au prix du marché, et tant pis si celui ci s'est ramassé après la tempête. Faire supporter par l'état les conséquences de choix de construction pour le moins inadaptés est injuste et conduira les individus à perpétuer les mêmes erreurs.

La solution la plus juste et la plus efficace pour non pas éviter - Le risque zéro est une chimère -  mais limiter la création de nouvelles situations potentiellement dangereuses, est de laisser l'initiative privée trouver à ses frais les solutions d'adaptation aux risques naturels les plus pertinentes.

 

 

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(*) Dans la plus grande tradition de la langue de bois, certains politicards tentent de tromper le public en affirmant que le coût réel sera bien plus faible pour le contribuable, car la prime sera payée par le "fonds Barnier" alimenté par les fameuses surprimes sur les contrats d'assurance. Mais il faudra bien reconstituer le fonds après l'avoir vidé, quand bien même ses finances fort peu florissantes suffiraient à payer les dégâts. Même si cela n'en a pas le nom, ce sont donc bien des prélèvements à caractère obligatoire, fixés arbitrairement par l'état, sur tous les contrats d'assurance habitation, qui financeront l'indemnisation des maisons expropriées.

 

 

 

VINCENT BENARD

 

 

 

 

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