Je vous ai régulièrement informés des embarras des banques US d'abord avec leur système d'enregistrement électronique des hypothèques, le "MERS", considéré comme insuffisamment fiable par un nombre croissante de tribunaux (MERS (1), MERS (2)). Depuis, ces embarras semblent se transformer en véritable bourbier judiciaire, que j'ai qualifié de foreclosure-gate, avec ma sale habitude de voir des scandales partout.
Petite parenthèse: le climategate m'a valu des records d'audience à plus de 10 000 visites jour, alors, qui sait ce que nous réserve le foreclosure gate ? Fin de la parenthèse.
Donc, après qu'objectif liberté (mon blog perso) vous ait, le premier, parlé du scandale MERS dans l'hexagone, objectif eco était le premier organe de presse en langue française à vous dévoiler, dès le 24 septembre, les dessous d'un possible Foreclosure-gate. Ce n'est pas pour nous vanter, mais tout de même. Toutefois, je restais prudent: "énorme scandale judiciaire ou pétard mouillé", je ne prenais pas catégoriquement position.
Aujourd'hui, le doute n'est plus permis: c'est un scandale aux répercussions judiciaires majeures qui s'annonce. Pour simplifier: les banques doivent gérer des milliers de faillites sans y être préparées et les tribunaux considèrent que les documents électroniques issus du MERS, entre autres, sont insuffisants. Certaines banques ont donc décidé de produire de fausses attestations de détention de créance sur certaines maisons, pour accélérer le processus. Et dans tous les pays civilisés du monde, présenter un faux devant un tribunal est passible de très lourdes poursuites.
Un des prolongements judiciaires possibles de cette affaire est que dans certains états, les banques incapables de reconstituer la chaine de transmission de la propriété des créances hypothécaires par des voies acceptables par la justice pourraient tout simplement perdre leurs droits sur l'hypothèque, donc sur les maisons en collatéral.
Nouveaux développements
Outre Atlantique, de nombreux articles commencent à couvrir l'affaire, et chaque jour amène son lot de révélations. Petit tour non exhaustif:
- Le quatrième organisme de crédit immobilier américain, Gmac/Ally, avait suspendu ses procédures d'expulsion dans 23 états sur 50. Pourquoi 23 ? parce qu'il s'était limité aux états où une faillite-expulsion doit être prononcée par un juge, mais avait continué le "business as usual" dans les états où l'expulsion n'est vue par un tribunal que si l'expulsé proteste.
Or, l'état de Californie, qui ne faisait pas partie des 23 états initiaux, vient d'ordonner à GMAC/Ally de suspendre toutes ses opérations d'expulsion. En effet, là encore, les attestations sur l'honneur fournies à la justice comme quoi les faillitaires auraient tout fait pour tenter de contacter les prêteurs et tenté de négocier un compromis seraient en grande majorité fausses... Rappelons que la Californie est un des épicentres de l'éclatement de la bulle immobilière.
Le procureur général du connecticut, état non compris lui non plus dans les 23, semble avoir suivi les traces de son collègue de Californie et ordonné lui aussi à GMAC d'arrêter ses procédures d'expulsion.
- GMAC, toujours, s'engage à rembourser sous trente jours tout acheteur d'une maison foreclose qui aurait des doutes sur la légalité de la vente : signe qu'ils ne doivent pas se sentir les mains propres...
- Pas que GMAC: la banque JP Morgan stoppe 56 000 procédures de forclusion (également : New York Times) pour "erreurs matérielles" dans les procédures et documents présentés aux tribunaux. Cela représente sans doute plus de 10 milliards d'actifs gelés en attendant que la situations se débloque. JPM se veut rassurant, certains avocats pensent que cela risque de retarder les procédures de plusieurs années.
- Le sénateur Al Franken (D, Minnesota) lance une commission d'enquête et prévient que tout comportement délictueux des employés de Gmac/Ally (destruction de preuves ou fausses dépositions) fera l'objet de poursuites.
- Dans l'Ohio, c'est pour la première fois le MERS, ce "groupement interbancaire" chargé de gérer électroniquement le suivi des changements de propriétaires des créances immobilières, qui fait l'objet d'une action judiciaire de la secrétaire générale de l'état, avec une banque locale, pour "falsification d'actes notariés". Le MERS a géré plus de 50% (d'autres sources disent 80%) des transferts de propriété de créances vers les MBS, ces fonds obligataires alimentés par des prêts immobiliers.
- Preuve que l'affaire est prise très au sérieux, Fitch envisage de dégrader la note de GMAC, alors que Moodys place non seulement GMAC, mais aussi JP Morgan sous surveillance. Ce dernier point m'incline à croire que cette affaire des fausses attestations de détention de créance n'est pas une simple péripétie judiciaire, que ses répercussions financières sont potentiellement graves.
- Dernier développement en date, les dernières investigations sur les procédures de "faillite accélérées" mises en place par l'état de Floride pourraient valoir à son procureur général des poursuites ! Quel pataquès...
- Mise à jour, Vendredi 1/10 soir: les autorités US ordonnent un audit des procédures de forclusion de 7 grands prêteurs aux USA: JP Morgan, Bank of America, Citi, HSBC, PNC Bank, U.S. Bank et Wells Fargo. Source: Washington Post.
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Où l'on reparle de Countrywide - Mais il n'y a pas que le Foreclosure gate: L'émetteur de CDS (ces assurances-défaut de paiement des emprunteurs obligataires) Ambac porte plainte contre Bank Of America, et plus particulièrement contre sa filiale (rachetée après sa faillite en 2008) Countrywide, car son audit des sinistres de portefeuille sur des prêts originés par Countrywide montre que cette dernière n'aurait pas respecté son propre guide de bonne conduite interne pour l'octroi de... 97% (!!) de ses prêts à partir de 2004, tout en ayant certifié l'avoir fait. L'enjeu du litige ? Entre 16 et 20 milliards de dollars...
Le système de crédit américain, largement façonné et régulé par l'état (voir cet historique), était gangréné par l'incompétence rampante et la fraude. Et dire que certains réclament plus d'intervention étatique pour en finir...
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Où tout cela mène-t-il ? Dans le meilleur des cas, le délai de résolution des faillites pour les banques considérées - Et nombre de voix estiment que Wells ou Citi auront les mêmes difficultés - sera considérablement augmenté. Dans le pire des cas, des banques devront abandonner leurs prétention sur des hypothèques, les laissant sans moyen de se récupérer financièrement devant les défauts de paiement des emprunteurs.
Paradoxalement, cela pourrait contribuer à retarder la déclaration de perte sur NPL (Non Performing Loans) des banques en question et donc contribuer à enjoliver artificiellement leurs bilans. Restez à l'écoute d'objectifeco pour les futurs développements de cette affaire.
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