Dale Vince fulmine. Le patron et fondateur d’Ecotricity, un des leaders de l’énergie verte dans monde , explique pourquoi il n’est non seulement pas surpris que le gouvernement conservateur en place a décidé de sortir de l'un des secteurs les plus florissants de Grande-Bretagne et du reste du monde, mais aussi comment le Royaume-Uni est maintenant dans une « position embarrassante », pour son manque de soutien envers les énergies renouvelables.
« Les subventions ne sont pas supprimées, elles sont arrêtées », explique le PDG qui a fondé Ecotricity en 1995. « C’est prématuré et brutal ». Sa société utilise l’éolien et les fermes solaires pour fournir de l’électricité à plus de 170 000 clients en Grande-Bretagne. « Je pense que c’est une volonté délibérée de mettre des freins aux énergies renouvelables dans la mesure où elles commencent maintenant à affecter et à concurrencer les combustibles fossiles, d’une manière qui ne les favorise pas. »
Et notre PDG enfonce le clou : « Le gouvernement est en train de truquer le marché de l'énergie en faveur des combustibles fossiles et de l'énergie nucléaire. Le secteur de l'énergie est dans une pagaille indescriptible et les contribuables paient la facture pour une somme d’argent que le gouvernement est tout simplement en train de jeter sur les secteurs du pétrole et du gaz naturel ».
Plus tôt cette année, le FMI a révélé que les sociétés de combustibles fossiles bénéficient de 5 300 milliards de dollars de subventions par an. Cela équivaut à 168 000 de $ par seconde, à 10 millions de $ par minute et à 600 millions de $ par heure. Le FMI a également démontré que le secteur des combustibles fossiles britannique a siphonné sept fois plus de subventions que le secteur des énergies renouvelables. Cela équivaut à 400 £ - soit 557 € - par habitant, à comparer aux 40 £ par tête et par an de subventions aux énergies renouvelables.
Cette semaine, le gouvernement devrait signer un chèque de près de 500 millions de £ de plus en subventions pour les très polluantes génératrices diesel, afin de répondre à la demande et combler la fracture énergétique.
« L'énergie renouvelable est moins chère, durable, et commence vraiment à causer des problèmes au secteur des combustibles fossiles - en particulier avec la chute spectaculaire du prix du pétrole », souligne Vince. En effet, comme nous l’avions signalé dans un précédent édito, en termes de prix de revient, les énergies renouvelables sont en train de jouer à parité avec les combustibles fossiles. Un phénomène accentué par les prix du pétrole qui ont chuté par rapport à leurs sommets à trois chiffres de l'été 2014, pour se retrouver aux environs de 50 $ le baril aujourd'hui.
« Ce sont de mauvaises nouvelles pour les combustibles fossiles et le gouvernement leur jette de l'argent, tandis que les énergies renouvelables ne sont pas touchées du tout par ces mouvements massifs de marché. Les énergies renouvelables ne sont pas seulement rentables à une échelle industrielle, les personnes peuvent mettre des panneaux solaires sur leurs toits pour faire leur propre énergie. Les énergies renouvelables sont radicales, elles sont démocratiques et donnent plus de pouvoir au peuple, et ça, le gouvernement n’aime pas. »
Les énergies renouvelables, notamment l'énergie éolienne, sont en croissance au Royaume-Uni. Voici les dernières statistiques sur le secteur fournies par RenewableUK :
En vertu du droit européen, la Grande-Bretagne est tenue de produire 15% de son énergie à partir de sources renouvelables d'ici 2020. En février, le gouvernement d'alors – une coalition composée de Conservateurs et de Libéraux-démocrates – expliquait qu'ils étaient sur la bonne voie pour atteindre cet objectif.
Les Conservateurs ont ensuite remporté les élections générales du mois de mai dernier et mis fin à leur coalition avec leurs alliés plus green-friendly, les Libéraux-démocrates. Dès que les Conservateurs sont arrivés au pouvoir, le gouvernement a pris des mesures rapides pour éliminer progressivement les subventions aux énergies renouvelables. Les étapes de ce revirement comprennent un changement radicale des lois et des mesures de planification, et annule l'accès aux subventions pour l'éolien terrestre. Ces mesures ont fortement secoué le secteur des énergies vertes outre-manche.
Le mois dernier, Ross McArthur, DG et responsable des énergies renouvelables chez John Laing Group, a déclaré que le gouvernement de coalition avait approuvé 14 projets destinés à mettre à jour les projets d’infrastructures d'énergie verte existantes depuis 2010, mais avec les Conservateurs maintenant pouvoir, ces projets ont tous « plus ou moins disparus ».
« Le Premier ministre David Cameron va à la Conférence des Nations unies sur les changements climatiques cette semaine (COP21). Dieu seul sait ce que va dire ce maître du retournement de veste. Mais il est comme le roi Knut face à la marée montante », lance Dale Vince, faisant référence au roi du Danemark au XIème siècle, principalement connu (à tort) dans la culture populaire comme un monarque qui avait l’illusion de croire qu'il avait des pouvoirs surnaturels et qu’il pouvait retenir la marée.
« C’est embarrassant que la Grande-Bretagne soit en bas de du tableau européenne pour les énergies renouvelables, aux côtés de Malte et du Luxembourg. Tout le monde savait que les Conservateurs étaient capables d’arrêter complètement les subventions pour rendre plus difficile le développement des entreprises d'énergies renouvelables. » Et tout particulièrement sans les Lib Dems. « Le gouvernement explique qu'il va atteindre notre objectif d'énergies renouvelables, mais personne d'autre pense qu'ils y parviendront. Cet objectif [de 15%] ne constitue pas une limite supérieure, c’est une étape le long du chemin. Mais le gouvernement n’est pas intéressé de faire une plus grande place aux énergies renouvelables dans le mix énergétique de la Grande-Bretagne. »
Ecotricity n’est pas dans la même cour que beaucoup de jeunes entreprises vertes, dans la mesure où elle est déjà bien établie et peut encore lever une grande quantité de fonds via l'émission d'obligations – avec des souscriptions qui sont d’ailleurs largement supérieures aux prévisions. Ecotricity a lancé deux campagnes de 10 millions de £ d’ecobonds, l'une en 2010 et l’autre en 2011, pour aider à financer la construction d'un parc solaire hybride et quatre projets éoliens, totalisant près de 20 mégawatts de capacité.
La société est actuellement à mi-chemin de sa troisième émission obligataire, d'une valeur de 25 millions de £ (35 millions d'€), pour aider à la construction de plusieurs projets d'énergies renouvelables en Grande-Bretagne - qui pourraient générer suffisamment d'énergie verte pour alimenter plus de 10 000 foyers. L’obligation offre aux investisseurs un rendement de 5,5% par an - ou 6,0% par an pour les clients d’Ecotricity. Un succès. Car apparemment l’engouement est encore plus rapide par rapport aux deux autres obligations, et elle est donc en bonne voie pour être également sursouscrite.
Cependant, beaucoup de sociétés d’énergies renouvelables en développement se retrouvent en difficulté et peinent à survivre, en raison de la secousse provoquée dans le secteur par le gouvernement.
Cette semaine, RenewableUK a déclaré au Financial Times que l'industrie éolienne - en particulier - allait souffrir, parce que les turbines qui sont conçus pour durer 20-25 ans, atteindront la fin de leur durée de vie utile pendant le prochain gouvernement. RenewableUK explique que les coupes dans les subventions et les changements dans les permis de construction en Angleterre ont rendu difficile l’obtention des financements ou les développements de projets en raison des incertitudes.
« Nous avions vu les problèmes venir il y a trois ans avec les Tories (les Conservateurs) dans la coalition. Nous avons déjà renoncé pour le moment à des projets en Angleterre jusqu'à ce que les choses changent », poursuit Dale Vince. « L'Ecosse a plus de vent et une approche différente des énergies renouvelables, et – bien entendu – des permis de bâtir. Nous nous concentrons sur l'Ecosse pour notre expansion dans le secteur de l'énergie éolienne. Nous l’avons vu venir. »
Le Département britannique de l'Énergie et du Changement climatique a déclaré cette semaine : « Notre priorité est de fournir une énergie propre, abordable et sûre, sur laquelle les familles qui travaillent dur et les entreprises peuvent compter. Nous voulons protéger ceux qui paient les factures, en s’assurant que les technologies tiennent sur leurs deux pieds, tout en respectant nos engagements sur les énergies renouvelables. »
Cependant, le fondateur d’Ecotricity n’est pas optimiste et l'industrie des énergies renouvelables devra affronter la tempête jusqu'à ce que les Conservateurs soient détrônés.
« Chaque parti politique saisit l'importance des énergies renouvelables – sauf les Tories. Voilà pourquoi Ecotricity a donné de l'argent au Green Party, au Labour, et aux Lib Dems – c’est-à-dire essentiellement tous, sauf les Conservateurs, justement parce qu'ils ne pigent absolument rien. »
