Le Japon a souffert d’une contraction de son PIB de 14.2% au deuxième trimestre 2009, après une baisse de 13.5% au trimestre précédent. Quant à la production industrielle, elle est en chute libre ; ainsi l’activité de Toyota s’est effondrée de 50% depuis le début de l’année.
Dans le même temps, les exportations nippones, traditionnel bastion de l’économie japonaise, sont en retrait, freinées par la crise chez ses clients américains, ainsi que par la vente du yen par rapport au dollar et même à l’euro : le yen a grimpé jusqu’à 95 pour 1 dollar, alors qu’il se situait à 99 au début du mois et à 131 pour 1 euro, tandis qu’il se traitait à environ 139, il y a quelques semaines seulement. Comme on constate, par ailleurs, une baisse des prix de 0.7% en 2009, accompagnée d’une baisse des salaires de 0.8%, on peut affirmer sans erreur possible que le Japon est largement entré en déflation. D’ailleurs les prévisions globales pour cette année le confirment : 6.5%de chute du PIB en 2009, et, parallèlement, baisse de 3.2 % de la consommation intérieure. Dans la mesure où les statistiques prévisionnelles pour 2010 sont à peine meilleures, on en déduit que le Japon entre, après une longue période de stagnation, dans une phase de décroissance économique.
Cette situation coïncide avec l’essor de la Chine, qui, cette année va priver le Japon de la place de deuxième puissance économique mondiale, en dépassant le PIB nippon : en 2010, la Chine réalisera 5300 milliards de PIB contre 4725 pour le Japon (chiffres FMI).
Une explication essentielle de la performance négative de l’Archipel réside dans son évolution démographique : la population japonaise est en diminution rapide depuis plusieurs années. L’immigration, relativement faible, car non souhaitée par la majorité des gens, ne suffit pas donc pas à combler le déficit, qui tend à s’accroître au fil des ans. La culture insulaire forte au Japon ne facilite pas l’intégration de populations étrangères et, de plus, l’Empire du Soleil Levant n’a pas totalement éradiqué les vestiges négatifs de la guerre, en particulier vis-à-vis de la Chine (massacres de Nankin) et de la Corée du Sud.
Dans ces conditions, la population nippone va vieillir sans pouvoir s’appuyer sur de nouvelles générations abondantes. Pour assurer une retraite décente, les Japonais devront épargner et travailler plus longtemps, sans pour autant pouvoir compenser la diminution annoncée du stock d’heures travaillées, au niveau national.
En conséquence, l’économie nippone va s’installer dans la décroissance économique. Les secteurs les plus dynamiques seront : la robotique (les robots pourront remplacer en partie les travailleurs manquants), les services à la personne (particulièrement aux « seniors », en nombre accru), la finance dédiée aux particuliers (entre autres la gestion collective et l’assurance-vie), certains segments de la haute technologie (où le facteur « capital » l’emporte sur le facteur « travail ») et peut -être les « cleantechs » comme dans tous les pays développés, de plus en plus sensibles au développement durable. De toute façon, le PIB per capital est très élevé au Japon, ce qui lui permettra de supporter sans trop de risques sociaux, son effritement programmé.
En outre, la situation japonaise constitue un « laboratoire du futur », qui pourrait intéresser un certain nombre de pays européens (Allemagne, voire Italie), guettés également par la décroissance et la déflation.
Bernard MAROIS
Professeur Emérite HEC
Bernard Marois
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Bernard Marois est diplomé d’HEC, MBA de l’Université Columbia de New York et docteur en sciences de gestion. Il est actuellement professeur emeritus au Groupe HEC.
Il écrit régulièrement dans des revues spécialisées, telles que Banque Magazine, La Revue Francaise de Gestion ou Les Echos.
Il écrit régulièrement dans des revues spécialisées, telles que Banque Magazine, La Revue Francaise de Gestion ou Les Echos.
L'économie japonaise, laboratoire de la décroissance
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