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Bernard Marois

Bernard Marois

Bernard Marois est diplomé d’HEC, MBA de l’Université Columbia de New York et docteur en sciences de gestion. Il est actuellement professeur emeritus au Groupe HEC.

Il écrit régulièrement dans des revues spécialisées, telles que Banque Magazine, La Revue Francaise de Gestion ou Les Echos.

L’avenir des Eurobonds

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Au sens large, « les euro-bonds » sont des obligations libellées en euros et émises soit par des Etats ou par des entreprises, banques comprises. Ce marché apparu en janvier 1999, à la naissance de l’euro, agrégeait les marchés extérieurs du franc, du mark, de la lire, etc. A tel point que, bon an mal an, le marché des « euro-bonds » a dépassé le tiers des émissions obligataires mondiales, concurrençant de ce fait le marché des obligations en dollars. En terme de « stocks », les euro-bonds représentent plus de 30% du marché mondial, juste derrière le marché des obligations en dollars. Concrètement, l’accès aux « euro-bonds » n’est pas limité aux entités de la zone euro (quelles soient des Etats ou des entreprises), mais le marché est également ouvert aux Européens non membres de la zone euro (les Britanniques, les Suédois ou les Polonais, par exemple) ou même à des non-Européens, à condition que les émetteurs trouvent des investisseurs intéressés. D’où l’importance des agences de notation qui évaluent la solvabilité future des emprunteurs.

 

Au sens strict, (celui auquel fait généralement allusion la presse économique), les « euro-bonds » sont des obligations émises par des institutions officielles de la zone euro ou, par extension, de l’Union Européenne. Ainsi, la BEI, (Banque Européenne d’Investissement) émet chaque année des milliards d’obligations libellées en euros, qui sont destinées à financer des investissements généralement transnationaux (infrastructures, énergies alternatives, etc.). De même, le nouvel FESB (Fonds Européen de Stabilité Financière), garanti par les Etats, a émis fin janvier 2011 les premières obligations en euros destinées à faciliter l’aide aux pays en difficulté. Il devrait lever 16,5 milliards d’euros cette année. En parallèle, le MESF (Mécanisme Européen de la Stabilisation Financière) destiné à soutenir l’Irlande et  géré par Bruxelles, a émis 5 milliards d’ « euro-bonds », le 6 janvier, largement sursouscrits (20 milliards de demandes de la part des investisseurs) ; 70% environ ont été achetés par des Européens et 20% par des Asiatiques, alors qu’en termes d’acteurs, 40% sont des Banques Centrales et 25% des gestionnaires d’actifs. Le MESF  prévoit encore de lever près de 13 milliards d’euros cette année, d’une maturité de 5 et 10 ans.

 


Pour l’avenir, et, si on considère uniquement les émissions d’« euro-bonds » par des entités étatiques ou para-étatiques, on peut distinguer plusieurs démarches parallèles et complémentaires :

1) Les émissions des Etats individuels. Ainsi, la France devrait emprunter plus de 380 milliards en 2011.
2) Les emprunts lancés par les institutions européennes existantes : BEI, FESB et MESF. Dans ce cas de figure, il s’agit vraiment d’émissions « communautaires », contrôlées soit par la Commission soit par le Conseil Européen des Ministres des Finances (ECOFI). On peut aussi songer à créer une « Agence Européenne de la Dette », qui reprendrait une partie des attributions des Agences nationales, telle l’Agence France Trésor.
3) La mise en place d’« euro-project bonds », destinés uniquement à financer des projets d’infrastructures, en complément des financements BEI.

 

En plus de ces dispositifs relatifs au marché primaire, il existe de possibilités d’intervention sur le marché secondaire. Ainsi, dans certaines conditions et à la suite de la crise, la BCE (Banque Centrale Européenne) peut acheter de la dette souveraine des pays de la zone euro. De même, on envisage que le FESB puisse racheter de la dette d’un Etat ayant bénéficié d’une aide communautaire.

 

Pour conclure, on peut souligner que nous sommes en matière de gouvernance européenne, dans une période de transition, provoquée en grande partie par les crises de la dette souveraine. En conséquence, il faudra que rapidement les Etats de la zone euro se mettent d’accord sur les point suivants :
- Distinguer les besoins de financement relatifs à des projets industriels de ceux liés à des crises de dette souveraine ; les modes de traitement ne seront pas les mêmes selon les objectifs suivis.
- Anticiper les besoins agrégés des Etats, en matière de financements « communautaires » selon les pays et les situations, de façon à pouvoir regrouper toutes les émissions sous un seul nom (par exemple, une Agence Européenne de la Dette, comme il a été évoquée précédemment), sachant que les Etats les plus solides souhaiteront probablement garder leur autonomie et donc leur agence d’émission nationale.
- Clarifier la gouvernance et, en particulier, le rôle des politiques (Chefs d’Etat, Ministres des Finances) face aux institutionnels (Commission de Bruxelles, BCE), de façon à ce que des procédures standards soient établies et susceptibles d’être appliquées immédiatement en temps de crise.

 

On voit donc que le futur des « euro-bonds » apparaît prometteur, si les autorités compétentes poursuivent leur œuvre de construction communautaire. En tout état de cause, le dispositif européen créé sera différent de l’équivalent américain (FED/Secrétariat au Trésor), dans la mesure où l’édifice complexe qu’est l’Union Européen n’est pas un Etat Fédéral unitaire. Nous allons donc élaborer un système original. Les « euro-bonds » en seront d’une certaine façon le symbole.

 

 

 

 

 

Bernard MAROIS
Professeur Emérite HEC Paris
Président d’Honneur du Club Finance HEC

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