Il y a quelques jours, je me suis pris deux comprimés de Gravol et me suis enfin décidé à visionner le film « Promised Land » de Matt Damon, ne serait-ce que d’un point de vue informatif. Ce film relate les négociations entre les habitants d’une petite ville rurale de Pennsylvanie et les représentants d’une grande entreprise de forage de gaz naturel. L’ouvrage colporte un message anti-fracturation, dans la même veine que le film « Gasland », mais avec plus de budget et avec une facture de film Hollywoodien plutôt que documentariste. Le point commun avec « Gasland » est que c’est de la propagande mal ficelée et remplie de faussetés.
Tout d’abord, la qualité du film est très discutable. Le jeu des acteurs est mauvais (surtout celui de Damon). Le scénario est ennuyant et manque d’étoffe. Côté divertissement, c’est complètement raté et fort décevant. Mais qu’en est-il du côté informatif du film? Il est horrible! De la vraie propagande malhonnête. Le film est financé par des intérêts Arabes; c’est d’ailleurs indiqué au bas de l’écran dès le début du film. Je suppose que n’ai pas besoin d’expliquer ici pourquoi les producteurs de pétrole arabes voudraient financer un film de propagande contre le gaz naturel Américain… Néanmoins, cela vous donne une indication claire quant à la partialité des informations éparpillées dans le scénario.
En second lieu, il faut être conscient d’un détail non-négligeable : les citoyens de la petite ville du film sont des privilégiés par rapport aux Québécois ou aux Français. La raison est qu’ils sont bel et bien propriétaires de leur terrain, incluant le sous-sol (voir ceci). Ils ont donc, contrairement à nous, le privilège de négocier directement avec les entreprises de forage et d’obtenir une redevance sur la production. Au Québec, c’est le gouvernement central qui s’approprie ces redevances en requérant la propriété du sous-sol sur tout le territoire. Comme je l’ai souvent répété, tous les problèmes de nature environnementale découlent d’une mauvaise définition des droits de propriété… Le gaz de schiste ne fait pas exception, il confirme la règle de manière remarquable.
En ce qui concerne cette négociation, le film démontre un manque notoire de rigueur de la part des auteurs. Damon offre $2000 par acre et 8% des profits (alors que sa compagnie lui permet d’aller jusqu’à $5000 / 18%). En revanche, la loi de la Pennsylvanie exige une redevance minimale de 12.5% des revenus bruts (et la négociation amène parfois cette redevance à plus du double de ce chiffre), et non pas des profits. En supposant une marge de profit de 30% (estimation fictive), une rente de 12.5% des revenus équivaut à 41.7% des profits! Donc non seulement le scénario est irréaliste car les contrats offerts par Damon sont illégaux, mais en plus il sous-estime énormément ce que les gens reçoivent dans la réalité. Mais comme on dit, ne laissons jamais la réalité entraver une bonne histoire… J’ajouterais aussi que la loi empêche ces contrats d’inclure une clause qui empêche les gens d’en parler en cour de justice, encore une invention des scénaristes.
La seule explication de ce qu’est vraiment la fracturation du schiste dans le film est la petite démonstration du pseudo-environnementaliste devant une classe d’écoliers du primaire. Il mentionne que les puits sont injectés de plein de « méchants produits chimiques » (lesquels ne représentent en réalité que moins de 1% du fluide injecté, le reste est de l’eau, laquelle est presqu’entièrement recyclée). En guise de fin dramatique à son petit exposé, il met ensuite le feu à son modèle réduit de ferme…chose qui est d’une probabilité très faible (je ne crois pas que ce soit déjà arrivé après plus de 1.5 millions de fracturations aux États-Unis en plus de 60 ans). Et oui, c’est ça le « fracking », croyez-le!
Dans le film, l’opposition au gaz est menée par Frank Yates, un PhD de Boeing à la retraite. Celui-ci soulève la crainte de contamination des nappes phréatiques, qui selon « Google » surviendraient partout à travers le pays. En fait, toutes les études menées par l’EPA indiquent qu’aucun cas de contamination de l’eau n’est attribuable à la fracturation. Le gaz provenait plutôt de sources naturelles. Encore une distorsion de la réalité par les scénaristes…
Ce que Yates et plusieurs autres fermiers ne cessent de répéter dans le film est que leur terre et leur ferme sont tout ce qu’ils ont. Ils en ont hérité de génération en génération et ne peuvent pas se permettre de les perdre. Mais qui a parlé de perdre ou détruire quoi que ce soit? On parle simplement de forer un puits de gaz, pas de faire des tests de bombes nucléaires! Personne ne perdra quoi que ce soit, à part un peu de tranquillité pendant quelques semaines. On dirait que les scénaristes ont tenté de transformer la situation en un ultimatum : c’est le gaz ou c’est nous, choisissez votre camps.
L’autre événement risible du film est le fameux vote sur le gaz. Chaque propriétaire est libre ou non de signer un contrat avec l’entreprise de forage de son choix. Dans la réalité, ce vote serait probablement bidon; une municipalité ne peut pas empêcher le forage sur des terrains privés situés sur son territoire, sauf dans certaines circonstances.
Finalement, il y a la pseudo ONG environnementale, qui n’est en fait qu’une façade mise en place par l’entreprise de gaz. Dans la réalité, les entreprises ne montent pas sur pieds de fausses ONGs de manière à contrôler l’opposition à leurs activités. Elles font plutôt des dons aux grandes ONGs existantes, comme Greenpeace, qui les acceptent volontiers, question de financer les salaires de 6 chiffres de leurs dirigeants. Que ce soit par l’intimidation, la désinformation et le « greenwashing », les ONGs environnementales sont prêtes à tout pour obtenir le plus d’argent possible. Le seul moment réaliste du film est celui où le maire de la ville propose à Damon de supporter le forage auprès des citoyens en échange d’un pot-de-vin.
Ceci dit, le pseudo-écolo réussi à embrouiller le spectateur mal avisé en suggérant à Damon que les vaches mortes sont bien réelles et que leur mort a été causée par les forages de la compagnie. On nous laisse donc sous l’impression que les craintes du sceptique Yates sont bel et bien fondées, alors qu’on sait bien que les forages ne tuent pas de vaches (certains incidents très rares sont arrivés, mais après 1.5 millions de forages, on pourrait dire que c’est un risque négligeable).
À la fin, le personnage de Matt Damon s’adresse au public venu voter à l’assemblée pour décider du sort du gaz naturel. Sans aucune explication valable ni raisonnement élaboré, il décide de changer de camps et recommande à la foule de voter contre les forages en mentionnant simplement que le risque n’en vaut pas la peine… Cependant, il n’élabore pas sur ce qu’est vraiment le risque et ne le compare encore moins aux gains. En fait, le film ne fait qu’exagérer les risques et minimiser les gains, de manière à ce que la seule conclusion qui saute aux yeux soit de refuser les forages.
Pendant ce temps, dans le vrai monde, des forages ont lieu dans plusieurs régions des États-Unis et les incidents sont très rares. Les fermiers propriétaires des terres s’enrichissent, les travailleurs et actionnaires des compagnies de forage en bénéficient, tout comme les consommateurs de gaz qui bénéficient de prix moins chers, puis les gouvernements récoltent plus de taxes. En fait, le gaz de schiste a engendré un véritable boum économique dans certaines régions, tout en réduisant la pollution puisqu’il est moins polluant que le charbon. Allons-nous tomber dans le panneau de cracher sur cette industrie au grand profit des princes saoudiens ou des entreprises d’éoliennes et d’énergie solaire d’Al Gore?
Sur la carte des États-Unis suivante, les contés en vert sont ceux qui ont vu leur revenu moyen des ménages augmenter entre 2007 et 2012. Ce sont essentiellement les états où les forages ont lieu, incluant le Dakota et le Texas!