Un salon consacré au gaz de schiste
Une cinquantaine de fournisseurs d’équipements et de services ainsi que 500 décideurs, experts, entreprises gazières et investisseurs s’étaient donné rendez-vous à la 5e édition de Shale Gas World la semaine passée à Varsovie. Le choix du lieu n’était pas anodin. La Pologne rêve toujours de devenir le nouvel eldorado du gaz de schiste, même si de nombreux obstacles freinent son élan. «Ce n’est franchement pas la chasse aux contrats, assure un exposant français qui cache mal sa déception. Nous sommes ici surtout pour glaner des informations sur les nouvelles orientations gouvernementales en la matière.»Une opportunité d’indépendance énergétique?
Tout a commencé en 2011, lorsque l’Agence américaine d’informations sur l’énergie a publié un rapport attribuant à la Pologne 5000 milliards de mètres cubes de réserves. Pour un pays qui dépend du charbon pour produire 80% de son électricité et qui doit importer du gaz de Russie, c’était une grande nouvelle. L’Etat a aussitôt mis au point un plan d’investissement, d’exploitation, mais aussi de répartition des futurs revenus gaziers. Le pays s’est aussi félicité de la faible opposition de la part des écologistes par rapport à d’autres pays européens. Pour Donald Tusk, l’ancien premier ministre polonais, qui vient d’assumer les fonctions de président du Conseil européen, les réserves gazières constituaient une grande chance non seulement pour son pays, mais aussi pour l’ensemble de l’Europe.C’est dans ce contexte que, en décembre 2012, une délégation polonaise était venue à Zurich pour attirer des investisseurs. La ministre d’Etat polonaise aux Affaires étrangères, Beata Stelmach, avait alors expliqué que son pays comptait tirer avantage de cette ressource naturelle. «L’Europe a besoin de nouvelles sources de croissance, d’opportunités d’investissement dans l’économie réelle et de renforcer sa compétitivité», avait-elle déclaré en poussant la comparaison avec l’économie américaine, qui profite largement de la baisse des prix énergétiques.
Des obstacles administratifs s’ajoutent aux obstacles naturels
Des dizaines d’opérateurs mondiaux se sont rués entre 2011 et 2013. Mais, depuis, c’est le désenchantement. Wojciech Kosc, rédacteur en chef d’une publication spécialisée, Shale Gas Investment Guide, résume les difficultés: les estimations étaient largement exagérées. La bureaucratie polonaise était trop lourde – il fallait deux ans pour obtenir un permis d’exploration qui ne garantissait pas encore l’obtention d’une autorisation d’exploitation. Le fisc a imposé les entreprises avant même qu’elles ne réalisent des bénéfices. Et enfin, il y a aussi un obstacle géologique – le sous-sol est visqueux et bouche les tuyaux.Résultat: de nombreuses entreprises comme Total, Eni, Exxon, Talisman, Marathon Oil ont déjà retiré leurs billes. Deux entreprises énergétiques d’Etat, Orlen et PGNiG, jouent désormais les premiers rôles. Le pays compte à présent 67 forages et, à raison de 50 millions de dollars d’investissement par forage, le coût est vite prohibitif. Selon Wojciech Kosc, le pays ne compte pas encore un nombre suffisant de forages pour tester la rentabilité du secteur.
«On oublie que les Etats-Unis ont mis au moins trente ans pour réussir et que la Pologne n’en est qu’à ses débuts», relativise Ole Jacob Sandal, l’un des directeurs de Ross Offshore, une entreprise norvégienne de conseil en ingénierie ayant pignon sur rue aux Etats-Unis, en Norvège et en Pologne. Les Polonais doivent persévérer parce que, malgré les difficultés, le gaz est encore là.»
Néanmoins l’avenir reste au gaz de schiste
L’Etat y croit et n’envisage pas de faire marche arrière. Selon Wojciech Kosc, il vient de simplifier les règles administratives – le permis sera délivré en moins de quarante jours. Sur le plan fiscal, les entreprises seront imposées seulement lorsqu’elles seront devenues rentables. «Les intentions sont bonnes, juge Parker Snyder, directeur de Cleantech Poland et l’un des avocats de l’exploitation du gaz de schiste. Tout dépendra maintenant de la mise en œuvre de nouvelles lois. L’an 2015 sera dans ce contexte décisif.».La raison qui fera que l’année 2015 sera positive vient de la décision récente de la Russie d’abandonner le projet South Stream en raison des prises de positions russophobes des pays européens. Dès lors, l’alimentation en gaz russe des pays de l’Europe de l’Est et du Sud est compromise. Il ne s’agit donc plus tant pour la Pologne d’assurer son indépendance que d’assurer tout simplement ses besoins. Gageons que, la nécessité faisant loi, le gaz de schiste connaîtra un beau développement dès cette année en Pologne….