Idée reçue : La baisse des cours favorise les OPA
Des prix bas stimuleraient las acquisitions en Bourse. En fait, c’est le contraire qui se produit.
Le marché a ses raisons que la raison ne connaît pas. La logique commanderait à une multinationale d’acheter son concurrent à prix bradé quand son cours de Bourse atteint un niveau plus bas. Histoire de prendre des parts de marché sans trop dépenser. Mais non, les prédateurs de tout poil se renferment dans leur coquille en période de basses eaux boursières, en dépit des cours attractifs.
La preuve en quelques chiffres : en 2008, sur les marchés, le montant total des fusions-acquisitions représentait 3280 milliards (-29% sur un an), selon les experts du cabinet Dealogic. Un cru pauvre en deals, alors que la Bourse baissait de 40%(MSCI World).Les grands groupes de la cote et leurs banquiers perdent-ils vraiment le sens commun ? « Pas exactement, car les périodes de crise rendent l’accès aux liquidités très difficiles. Même alléchés par des prix favorables, les industriels ne peuvent pas se procurer des espèces sonnantes et trébuchantes pour lancer une OPA », répond un spécialiste d’une grande société de Bourse. En 2002 et 2003, beaucoup de sociétés, notamment dans le secteur des nouvelles technologies, consacraient l’essentiel de leur résultat opérationnel à rembourser les dettes contractées en 1999-2000 pour racheter un concurrent. En revanche, à partir de 2004, le cash s’est fait plus abondant. En particulier pour les fonds d’investissement. A l’origine de 20% des fusions en 2006, ils échafaudent des projets financiers complexes avec les crédits consentis par leurs banquiers et avec le cash de leurs acquisitions précédentes. Mais quand le banquier ferme le robinet et que l’entreprise ne « crache »plus, tout s’arrête.
La pénurie de fusions en temps de dépression boursière peut aussi tenir à des contraintes de rentabilité. La chute du prix des actions traduit le manque de perspectives économiques. Dans ces conditions, les industriels y regardent à deux fois avant d’augmenter leur capital productif. Il ne revient pas très cher, mais, s’il rapporte peu, à quoi bon le racheter ? A l’inverse, une rentabilité attendue de 15% autorise à mettre le paquet sur la table pour empocher une proie supposée juteuse.
Un autre élément, plus technique, encourage les patrons à rester sur leur quant-à-soi quand la Bourse dévisse. Avec la baisse des cours, les actions ne représentent plus vraiment une monnaie d’échange pour se payer un concurrent. En pleine euphorie boursière, les offres publiques d’échange représentent pour les groupes bien valorisés un moyen commode de grossir sans utiliser de cash. Il y a souvent un fossé entre l’apparence financière et la réalité boursière…
Extrait de :150 idées reçues sur l’économie, de Franck Dedieu, Emmanuel Lechypre et François de Witt.
Jean-François FAUSTINELLI