La guerre des noisettes aura lieu. En quête de liquidités, les banques commerciales lorgnent sans retenue sur les milliards épargnés par les Français au sein des 60 millions de Livret A et autres Livrets de développement durable (LDD). Après François Pérol, patron de la BPCE, Baudoin Prot (BNP-Paribas), puis Fréderic Oudéa (Société Générale) ont engagé le bras de fer avec la Caisse des dépôts (CDC). Fin 2009 (derniers chiffres disponibles), elles conservaient près de 85,6 milliards d’euros sur les 220 milliards que totalisent ces produits d’épargne. Le reste, centralisé à la CDC, finance le logement social.
Pourquoi une telle demande des banques ? Bercy s’apprête à fixer, via un décret, le taux de centralisation qui partage la galette entre la CDC et les banques. Leur objectif : mettre la main sur 50% des noisettes, 25 milliards d’euros supplémentaires. Avec un argument de poids : le financement des PME.
Sauf que les derniers chiffres publiés par l’Observatoire de l’épargne réglementée invalident le bel argument. Entre fin 2008 et fin 2009, les fonds restants au bilan des banques ont progressé de 17%. Face à ce pactole de 12,5 milliards d’euros, auxquels s’ajoutent 14,5 milliards ponctionnés sur la CDC dans le cadre du plan de relance, l’encours des prêts aux PME n’a progressé que de 6 milliards d’euros !!!
« Les banques font ce qu’elles veulent du pognon », s’énerve Jean-Pierre Balligand, député PS, membre de la commission de surveillance de la CDC. Nulle part dans leur bilan, les banques n’indiquent l’usage qu’elles font de cette ressource très bon marché.
« Que les banques aient des problèmes avec les normes Bâle III, c’est une évidence. Mais la seule solution ne peut être l’augmentation de leur part dans les Livret A », décrypte Michel Bouvard, député UMP lui aussi au conseil de surveillance de la CDC.
Car des ressources, les banques vont devoir en trouver. En réponse à la crise, les nouvelles normes prudentielles les obligent à mettre d’avantage de fraîche face à leurs engagements. Deux choix s’offrent à elles : trouver des dépôts, l’argent du Livret A ou augmenter leurs fonds propres. Problème, cette option réduit le rendement des actionnaires. Lequel se porte à merveille, comme si la crise n’avait jamais eu lieu. BNP-Paribas a publié un résultat de 11 milliards d’euros en rythme annuel, soit un rendement des fonds propres de 13,5 % !
Pas question d’égratigner ce résultat. Quitte à mettre en danger le financement du logement social. C’est pourtant ce qu’induit leur demande d’un taux de centralisation à la CDC en deçà de la limite de 70%, niveau prescrit dans un récent rapport par la Cour des comptes.
Jean-François FAUSTINELLI